Analyse : France – le tabou de la pédophilie dans l’Église catholique s’effondre | Monde

Des manifestants brandissent une banderole indiquant « Les victimes de violences sexuelles dans l’Église catholique demandent : reconnaissance, responsabilité, réparation, réforme » dans la cour de la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, à Lourdes, dans le sud-ouest de la France, le 6 novembre 2021. — Photo : AFP/Valentine Chapuis

L’Église catholique en France vient de briser exemplairement la frontière de la dissimulation, du silence et de l’oubli annoncer publiquement la reconnaissance de la « dimension systémique » des crimes d’abus sexuels contre les mineurs par des prêtres et des religieux, dans une histoire qui remonte au moins aux années 1950.

Dans une décision inédite, sa Conférence épiscopale, réticente depuis des décennies, appelle à la « responsabilité institutionnelle » de lutter contre ces pratiques, et introduit le mot « indemnité » dans la pénitence à payer aux 216.000 victimes identifiées dans cette période. Le président de la conférence, Eric Moulin Beaufort, a prononcé des mots cinglants en annonçant le résultat de la réunion : « Nous avons compris qu’il fallait aller jusqu’au bout pour réparer un système ecclésiastique perverti qui ne permettait ni de voir ni d’entendre des faits de cette gravité. Nous sommes prêts à en assumer toutes les conséquences ».

La conséquence la plus immédiate sera la création d’un organe national indépendant, présidé par une femme, la juriste Marie Derain de Vaucresson, avec une riche biographie dans la défense des enfants et des adolescents, qui supervisera neuf groupes de travail pour l’intermédiation entre les victimes et le diocèse. dossiers, que les crimes soient prescrits ou non. Le 1er avril 2022 entre en vigueur un tribunal pénal canonique national, pour être voté en mars, ainsi qu’un système de vérification systématique de tous les agents pastoraux du pays conformément aux protocoles des tribunaux locaux.

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Pour lever des fonds potentiellement importants pour l’indemnisation des victimes, l’Église catholique mettra en vente une partie de sa puissante richesse en biens immobiliers et mobiliers. Chargé des affaires financières de l’épiscopat évaluent les valeurs à environ 500 millions d’euros.

La réaction des évêques intervient exactement un mois après l’impact provoqué par la sortie du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels de l’Église catholique, après deux ans d’un long et douloureux travail d’enquête sous la supervision d’une personnalité laïque. et au dessus de tout autre. Suspect : Jean Marc Sauvé, 72 ans, président d’honneur du Conseil d’État, considéré comme un expert des réflexions pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, ce qui explique en grande partie l’état de la société française. L’équipe de Sauvé a contacté directement environ 3 500 victimes de pédophilie, dont 250 ont été entendues lors de longues entrevues qui ont permis d’orienter la recherche.

Des témoignages douloureux, difficiles, car ils demandent l’effort de revivre la douleur du secret gardé, de la culpabilité, du péché, de la barrière infranchissable de la hiérarchie. Comme le révèle Christian Dubreuil, l’un des rares interviewés à avoir avoué lever l’anonymat et à s’adresser au journal Libération : « les victimes de délits de pédophilie sont dans l’ombre, à l’intérieur d’une crypte, d’une grotte. L’enfant est conditionné par ses voisins et la société à ne pas parler. Ils sont muets, ils parlent aux sourds ».

François, un pape avec une option ouverte pour les opprimés et les opprimés, a promis une « tolérance zéro » pour la pédophilie dans l’Église. Il recevra la commission Sauvé le 5 décembre. Mais il reste encore un long chemin à parcourir avant que l’Église catholique ne surmonte son anachronisme historique et n’ensevelisse la sacralisation des prêtres et le célibat, conditions qui semblent fondamentales pour sa survie au XXIe siècle.

Elizabeth Carvalho est correspondante pour GloboNews et TV Globo à Paris.

Nihel Beranger

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