« Bolsonaro reprend le discours militaire sur l’exploration de l’Amazonie »

Les menaces pesant sur les régions préservées de l’Amazonie sont revenues à la une des journaux cette semaine, après des allégations selon lesquelles le gouvernement fédéral se préparait à étendre l’exploitation minière sur les terres indigènes. Selon les spécialistes, face à la crise économique, le président brésilien Jair Bolsonaro (PL) reprend le discours des militaires dans les années 1970, ce qui pourrait encourager davantage l’activité des mineurs illégaux dans les terres protégées.

Selon un rapport du journal Folha de S.Paulo, le général Augusto Heleno, ministre du bureau de la sécurité institutionnelle de la présidence de la République, aurait autorisé des projets de recherche aurifère dans une zone frontalière du Brésil avec le Venezuela et la Colombie. Dans la région, plus de 23 groupes ethniques autochtones vivent dans les municipalités de Jupurá, São Gabriel da Cachoeira et Santa Izabel do Rio Negro. Connue sous le nom de Cabeça de Cachorro, la superficie de 587 000 hectares est l’une des mieux conservées d’Amazonie.

Le ministère public fédéral soupçonne que les autorisations du ministre sont destinées à ouvrir la voie à l’exploration future de ces zones.

Selon François-Michel Le Tourneau, géographe spécialiste des mines et chercheur au Centre national de recherches de France (CNRS), la situation économique brésilienne influence les projets du président Jair Bolsonaro. « Le gouvernement, face à cette crise économique, reprend le discours des militaires dans les années 1970 face au choc pétrolier. Lorsque le prix du pétrole a augmenté, la dette du Brésil a explosé, et les ressources ont été recherchées là où elles pouvaient être trouvées. Et l’or semblait être le cas. Un mirage : ‘on va payer notre dette en trouvant de l’or en Amazonie !' », explique-t-il.

« D’une certaine manière, ce qu’on entend au gouvernement aujourd’hui a un très fort écho de cette période, de cette pensée. Ces ressources minérales en Amazonie sont la bouée qui va nous permettre d’échapper aux inondations de la crise économique », analyse Le Tourneau. Mais pour le chercheur, l’idée est fausse, notamment dans le cas de l’exploitation minière, dont la contribution à l’économie brésilienne « est discutable », puisqu’une grande partie se fait illégalement et échappe aux redevances et taxes. « Beaucoup de gens au gouvernement ont cette vision, qui est très simple : si vous trouvez de l’or, le pays s’enrichit. Mais c’est plus compliqué que cela. »

Faisabilité et cupidité des mineurs

L’une des principales complications est précisément la difficulté d’exploiter les richesses. Il est vrai que l’Amazonie est une région riche en minerais comme l’or, la bauxite et le fer, des ressources qui sont déjà exploitées aujourd’hui. « Dans le cas de Cabeça do Cachorro, on sait qu’elle a du niobium, elle a probablement d’autres ressources, elle peut avoir des terres rares et des métaux plus rares », spécule Le Tourneau. « L’Amazonie est une zone où quand on cherche des minéraux, on finit par en trouver. La question est plus sur la viabilité économique de ces gisements et puis c’est différent », réfléchit-il.

Selon lui, selon la valeur du métal trouvé, il peut être nécessaire d’explorer des milliards de tonnes pour que le « projet soit viable ». La ressource se trouve dans des zones forestières reculées, ce qui nécessiterait d’importants investissements dans les infrastructures, telles que les routes ou les voies ferrées pour le transport. « La question est de savoir quelle sera la viabilité économique des gisements qui seront trouvés », insiste-t-il. « Pour l’instant, ce qui a été publié, ce sont des recherches pour savoir ce que cela aurait, et à partir de là, les entreprises se positionneront pour savoir s’il est intéressant d’explorer ou non. »

Le Tourneau explique que les résultats des sondages pourraient alimenter la cupidité de l’exploitation minière illégale. « Évidemment, dans le cas de gisements d’or inexplorés, les mineurs viendront pour explorer », dit-il.

Le projet encouragerait alors l’exploitation minière illégale dans les terres préservées et les territoires autochtones.

Horaire de flexibilité

Les plaintes ont suscité des réactions et des demandes de parlementaires pour la publication des projets de recherche devant faire l’objet d’une enquête par le ministère public. Le député d’État Leo de Brito, du PT d’Acre, a déposé, lundi (6), un projet de décret législatif visant à annuler les autorisations délivrées par le général Augusto Heleno.

Le député regrette les omissions du gouvernement, qui aurait pour lui des intentions claires d’une future légalisation des projets en Amazonie. « Ces dernières semaines, nous avons vu la présence de centaines de ferries explorant le fleuve Madère et nous sommes conscients du potentiel de polluants et aussi de dégradation sociale, comme nous l’avons vu depuis des décennies dans ces situations en Amazonie », prévient le député. .

« Malheureusement, l’agenda qui a avancé ici à la Chambre des députés est celui de la flexibilité. Ils veulent faire avancer le code minier, ce qui rend également les libérations plus flexibles », dit-il.

Le projet de loi proposé par Brito doit maintenant passer par des commissions, dont celles des Mines et de l’Énergie, pour ensuite être présenté en plénière pour être voté d’urgence. « Bien que nous n’ayons pas la majorité et que nous sachions que les bancs ici dans l’agrobusiness et dans ces frontières exploratoires ont été majoritaires au Congrès national », déplore-t-il.

Nihel Beranger

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