journal d’aujourd’hui : Pays invité à la Fête du livre de Paris, l’Inde ne semble pas vouloir mettre en avant ses écrivains les plus éminents. Pourquoi ?

Christophe Jaffrelot : La littérature a été un outil formidable pour l’Inde douce puissance. Bien qu’insatisfaits de leur pays, des romanciers comme Salman Rushdie, VS Naipaul avec son prix Nobel de littérature, Arundhati Roy avec son best-seller mondial Le dieu des petites choses (Gallimard, 1998), ou encore Rohinton Mistry et Kiran Desai ont fait rayonner la culture indienne dans le monde. Cependant, ce capital de sympathie est gaspillé. Le divorce a commencé entre le gouvernement nationaliste et les élites intellectuelles.

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Comment l’expliquer ?

Le gouvernement ne tolère plus aucune divergence. Les seules valeurs qu’il promeut sont liées à une identité hindoue idéalisée : yoga, sanskrit, ayurveda. En France, les auteurs officiellement invités par les autorités indiennes sont des professeurs versés dans la littérature classique et proches du BJP, le parti nationaliste au pouvoir, dépourvu d’aura nationale, encore moins internationale.

« Les auteurs officiels n’abordent pas les questions qui fâchent, comme la relation entre hindous et musulmans, les questions sociales comme celle de l’intouchabilité, la situation des femmes.  »

Sur quels thèmes écrivent ces auteurs « officiels » ?

Ils combinent l’histoire, la littérature et la mythologie hindoues. Ils n’abordent pas les sujets fâcheux, comme les relations entre hindous et musulmans, les sujets de société comme l’intouchabilité, la situation des femmes. Pour en parler, le collectif Forums France Inde organise un séminaire en ligne sur le thème « littérature et domination » en marge du Festival. Cette rencontre ne fait pas partie du programme officiel…