- Norberto Paredes – @norbertparedes
- BBC News Monde
Chaque 14 juillet, de nombreux Français sortent leur drapeau tricolore du placard et descendent dans la rue pour célébrer ce qu’ils considèrent comme le jour le plus important de l’année.
Le matin, un pompeux défilé militaire est organisé sur la célèbre avenue des Champs-Elysées puis, au coucher du soleil, la Tour Eiffel propose un feu d’artifice synchronisé avec un mélange de musique classique et de tubes actuels, que les Parisiens regardent avec des bouteilles de champagne de tous coins de la ville.
Cependant, le 14 juillet trouve ses origines dans un événement un peu moins festif : la prise de contrôle inattendue et violente d’une forteresse médiévale connue sous le nom de Bastille pendant plus de deux siècles, en 1789.
Ce fut un tournant dans l’histoire du monde, marquant le début de la Révolution française et avec elle le début de la fin de l’une des monarchies les plus puissantes de l’époque.
L’événement a également généré des changements dans les sociétés européennes et dans le monde, servant d’inspiration à de nombreuses autres initiatives révolutionnaires, telles que la vague d’indépendance qui allait commencer quelques décennies plus tard en Amérique latine.
Découvrez cinq faits intéressants sur cet événement qui a changé le cours de l’histoire.
1. Le grand fusible
Le 25 août 1788, Jacques Necker est nommé ministre des Finances du roi Louis 16, mais sa démission près d’un an plus tard provoque le mécontentement et encourage les Parisiens à prendre les armes.
Au début de 1789, la France traversait une crise financière majeure causée par l’énorme dette du pays et les dépenses croissantes de la monarchie pour les conflits avec l’Angleterre.
Pour faire face à la crise, en mai de la même année, le roi convoque à Versailles une assemblée générale extraordinaire avec des représentants des trois couches de la société française de l’époque : le clergé, la noblesse et le peuple (ou tiers-état).
Les revenus du tiers état, la classe la moins privilégiée, avaient baissé après une augmentation d’impôts visant à aider à alléger la dette.
Dans cette assemblée, Necker a privilégié l’idée de donner au tiers état une représentation selon son importance démographique.
Cette proposition ne plaisait pas à la noblesse ou au clergé, minorité très puissante, qui la considéraient comme une trahison.
C’est pourquoi le roi Louis 16 a décidé de le licencier le 11 juillet.
La nouvelle de son départ se répandit dans les rues de Paris. Le peuple le considérait comme le seul homme politique qui pensait à eux et craignait les conséquences de la perte d’un « ministre patriote ».
Le journaliste révolutionnaire Camille Desmoulins a invité les Parisiens à manifester devant le Palais royal le lendemain, mais ils ont été dispersés de force.
Et cela irritait encore plus les Français. Les jours suivants, la capitale subit de violents pillages, jusqu’au 14 juillet, les révolutionnaires décident de prendre les armes et se dirigent vers la forteresse de la Bastille.
Ils ne savaient pas qu’une grande révolution commencerait ce jour-là.
2. La Bastille n’abritait que sept prisonniers
Depuis le XIVe siècle, la Bastille était l’une des prisons préférées des rois, même si dans les années précédant l’attentat, elle était déjà en déclin.
A tel point que la monarchie envisage de la fermer et, ce 14 juillet, la forteresse médiévale n’abrite que sept prisonniers.
Quatre étaient des délinquants mineurs qui se trouvaient sur place pendant le traitement des plaintes déposées à leur encontre pour contrefaçon de lettres de change.
Ils s’appelaient Jean La Corrège, Jean Béchade, Bernard Laroche dit Beausablon et Jean-Antoine Pujade. Peu de temps après avoir été libérés par les révolutionnaires, les autorités les arrêtaient à nouveau et les envoyaient dans une autre prison.
Parmi les personnes arrêtées figurait également Hubert, comte de Solages, qui avait été arrêté à la demande de sa famille pour « crimes odieux » et pour « acte monstrueux ».
Lui et sa sœur Pauline auraient commis un inceste et sa famille a régulièrement payé une somme d’argent pour s’assurer qu’il ne soit pas libéré.
Les deux derniers prisonniers de la Bastille étaient James Francis Xavier Whyte, comte de Malleville, et Auguste-Claude Tavernier, qui avaient également été arrêtés à la demande de leurs familles respectives, qui se disaient aliénées.
3. Voltaire était prisonnier à la Bastille
Et pas une fois, mais deux fois.
À tout juste 23 ans, l’écrivain et philosophe français François-Marie Arouet, plus connu sous le nom de Voltaire, est envoyé à la Bastille en 1717 par ordre de la monarchie.
Il avait écrit des vers satiriques sur une prétendue histoire d’amour entre le duc Philippe II d’Orléans et l’une de ses filles, et pour cela il a été condamné à 11 mois de prison.
La prison l’a marqué et à sa libération, il a adopté le pseudonyme de Voltaire, se consacrant à l’écriture de poèmes et d’autres types de textes.
Mais en 1726, il est à nouveau emprisonné pendant deux semaines après avoir eu une petite dispute avec le monsieur Guy-Auguste de Rohan-Chabot, connu pour son arrogance.
La puissante famille Rohan-Chabot obtint un ordre du roi et envoya Voltaire en prison en représailles.
Après tant d’humiliations, le désormais célèbre écrivain a été contraint de s’exiler en Angleterre pendant deux ans.
4. La Bastille abritait la Guillotine de Paris
Immédiatement après sa capture, un certain Pierre-François Palloy, entrepreneur, prend l’initiative d’organiser et de superviser la destruction de la Bastille.
Ainsi, il apparaît comme l’une des figures les plus marquantes du début de la Révolution française et la nuit même, avec l’aide de quelque 400 ouvriers, les travaux de démolition commencent.
Quelques mois plus tard, le secrétaire de l’Assemblée nationale constituante, Joseph-Ignace Guillotin, proposait un projet de réforme pour rendre les délits d’une certaine nature « punissables du même type de peines ».
Et il a proposé d’utiliser un dispositif mécanique pour les condamnations à mort.
Ainsi est née la guillotine française dans laquelle la reine Marie-Antoinette et le roi Louis 16 mourront des années plus tard.
Pendant la Révolution française, l’artefact a été installé sur plusieurs places parisiennes, telles que la Place de la Révolution en 1793 et 1794 (aujourd’hui Place de la Concorde), où la famille royale française a été décapitée, et Place de la Bastille en juin 1794, où il n’y avait plus aucune trace de l’ancienne construction médiévale.
5. La prise de la Bastille n’est pas la seule chose célébrée ce jour-là
Le 14 juillet est une date doublement symbolique.
Les Français se souviennent aussi de la Fête de la Fédération, une célébration commémorative qui a eu lieu exactement un an après l’assaut de la Bastille et qui est devenue un symbole de l’unité de la nation française.
Sous une pluie battante, quelque 400 000 citoyens se sont rassemblés sur le Champ-de-Mars, à l’ouest de Paris, le 14 juillet 1790. Ils ont assisté à la messe et ont acclamé le roi, célébrant en même temps la révolution.
Louis 16 est partagé entre s’exiler, comme l’avaient déjà fait certains nobles, ou rester au Palais-Royal, devenu une sorte de prison pour lui et sa famille.
Il savait qu’à tout moment la scène d’octobre 1789 pouvait se répéter, lorsque plusieurs citoyens envahirent le château de Versailles, aux portes de Paris, manifestant leur mécontentement contre la monarchie.
Mais il était convaincu que la perception que les gens ordinaires avaient de sa famille était en train de changer.
« Moi, roi de France, je jure à la nation d’user de tous les pouvoirs qui me sont délégués par la loi constitutionnelle de l’État, de faire respecter la Constitution et de faire respecter ses lois », a déclaré Louis 16 après la messe.
A son tour, le général La Fayette, qui commandait la garde nationale et deviendra une figure clé de la Révolution française, jura aux assistants qu’il resterait fidèle à la nation, à la loi et au roi.
Mais la foule apparemment docile que le monarque croyait voir au Champ-de-Mars ne correspondait pas à la réalité.
A la tombée de la nuit, alors qu’il se rendait à sa résidence de Saint-Cloud, à l’ouest de Paris, le roi rencontra un groupe beaucoup moins amical, qui l’insulta et tenta de l’attaquer.
Une fois à l’intérieur des immenses murs du château, il se demanda pour la énième fois si la chose sage à faire était de fuir. Mais cela ne s’est pas produit.
Ce n’est que le 6 juillet 1880 que le 14 juillet devient la fête nationale française, après le vote de la loi dite « Raspail ».
En fait, le texte ne précise pas lequel des deux événements est commémoré. Son seul article se lit comme suit : « La République adopte le 14 juillet comme fête nationale annuelle.
Juste avant son approbation, dans un discours prononcé devant la chambre haute du parlement français, le sénateur Henri Martin a déclaré :
« N’oubliez pas qu’après le 14 juillet 1789, nous avons eu le 14 juillet 1790 à Paris.
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