Emmanuel le Contradictoire : Un portrait passionnant de Macron. – Politique

Après quatre ans au pouvoir, les projections perdent de leur attrait. Emmanuel Macron n’est plus le sauveur de l’Europe, que les médias allemands et anglo-saxons ont si intensément célébré que de nombreux textes sont apparus comme si le titre secret disait : Nous le voulons aussi. En revanche, des gauchistes particulièrement déterminés entretiennent leur profond dégoût pour le président français. Mais au-delà des certitudes des déterminés, un autre constat a prévalu : Macron est difficile à appréhender. Il n’est pas non plus la caricature néolibérale qu’il a dessinée. Le président n’est pas non plus aussi progressiste que certains le voudraient ; dès que quelqu’un déballe les théories post-coloniales, les poils de la nuque semblent se dresser. Alors qui est vraiment Macron ?

La mauvaise nouvelle d’abord : Joseph de Weck ne sait pas ce qui anime Macron, ce qui l’a façonné ou ce qui l’accable. Il a écrit son livre « Emmanuel Macron. Le président révolutionnaire » sans avoir rencontré Macron personnellement. Ainsi, contrairement à l’apparence et au titre, il ne s’agit pas d’un portrait du président. Oui, et c’est peut-être plus intéressant quand même, c’est un portrait très lisible de la France. De Weck ne s’ennuie pas avec les mêmes anecdotes de l’enfance de Macron, il ne fait pas de diagnostics psychologiques à distance, il ne se vante d’aucune conversation d’initié.

« Cérémonie d’auto-couronnement »

Au lieu de cela, il dessine Macron comme un personnage très français. En tant qu’enfant de l’étatisme, de l’enthousiasme des élites et d’une tradition politique dans laquelle le roi a été décapité mais le trône n’a pas été libéré devant le palais. Selon de Weck, la célèbre promenade de Macron au Louvre le soir de sa victoire électorale frôle une « cérémonie d’auto-couronnement ». De Weck résume la conception du pouvoir du président comme suit : « De son point de vue élevé, il n’y a plus aucune raison d’avoir un débat politique légitime sur de nombreuses questions ».

Le livre analyse clairement comment le sentiment de soi de Macron se heurte au sentiment de déclin qui est devenu le récit dominant dans une grande partie de la société française. Cela s’est produit de manière plus impressionnante en 2018, lorsque le mouvement des gilets jaunes est descendu dans la rue. De Weck écrit : « La révolte n’a pas éclaté parce que le président a rompu une promesse de campagne, mais parce qu’il a fait ce qu’il avait promis ». Macron, le réformateur dur et tant attendu – c’est ce que veut l’image de soi présidentielle. Mais la majorité de la population à Macron n’a jamais vu le sauveur : seulement 24 % des Français qui sont allés voter ont voté pour Macron au premier tour.

Les points faibles et les points forts sont clairement identifiés

Aussi clairement que l’historien et politologue de Weck nomme les faiblesses de Macron, il reste juste. La politique étrangère de Macron est-elle imprégnée d’activisme et de traces de mégalomanie ? Oui. Et pourtant, il a réussi à exaucer ses vœux dans les plus hautes fonctions de l’UE (Christine Lagarde à la tête de la BCE et Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission). Macron renforce les droits des entrepreneurs et affaiblit ceux des travailleurs ? Oui, mais il se bat aussi pour la taxation des géants de la technologie et investit dans l’éducation pour l’équilibre social (demi-classes dans les banlieues pauvres).

Le livre se termine par un diagnostic étonnamment clair : « Un second tour de Macron ferait vraiment du bien à la France et à l’Europe », écrit de Weck. Mais contrairement aux textes du jubilé de Macron, cette conclusion n’est pas le fruit d’un vœu pieux, mais de l’analyse sobre du bilan contradictoire de Macron. Et peser les alternatives. « La France pourrait très vite ressembler à la Hongrie ou à la Pologne », écrit de Weck à propos de la possible victoire électorale de Marine Le Pen. Pour de Weck, c’est à la gauche de gagner ou non. Le Pen a une chance alors que beaucoup à gauche préfèrent ne pas voter que de voter pour Macron. Pour de Weck, entre autres, un signe de « la haine de Macron qui va au-delà de ce qui est compréhensible ».

Nihel Béranger

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