France : Conseil d’Etat : la constitution française prévaut sur le droit européen ; « protection des intérêts de la Nation »

Le Conseil d’État français, équivalent de la Cour administrative suprême, a confirmé en avril 2021 dans l’exposé des motifs de la décision relative à la collecte de données par les opérateurs mobiles que la constitution française reste supérieure au droit européen. La France est devenue un autre pays de l’UE qui a récemment rendu des jugements soulignant la primauté de l’ordre constitutionnel interne.

C’est l’une des décisions les plus importantes adoptées par le Conseil d’Etat en 2021 – a commenté la décision du Conseil par le chercheur et avocat Dr. Thibaut Larrouturou de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne et du CERCRID (Centre de Recherche Critique sur le Droit).

La constitution française reste la norme suprême du droit interne ; Dès lors, il convient de vérifier si l’application du droit européen défini par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ne viole pas les exigences constitutionnelles en pratique, a écrit le Conseil d’État dans l’exposé des motifs de son arrêt d’avril. L’arrêt a confirmé le droit de collecter des données par les opérateurs de télécommunications en raison de la menace pour la sécurité nationale et le terrorisme, auquel la CJUE s’est opposée.

« Le cadre de la collecte de données dans le droit européen ne porte pas atteinte aux exigences constitutionnelles relatives à la sécurité nationale et à la lutte contre la criminalité » – indiqué dans l’exposé des motifs.

Le Conseil d’État a déclaré que les exigences constitutionnelles de la protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de la prévention des atteintes à l’ordre public, de la lutte contre le terrorisme et de la recherche des auteurs d’infractions ne sauraient être résolues par le droit de l’Union « sur une base équivalente.  » à ce qui est garanti par la constitution. Elle a ajouté que la collecte généralisée de données que la loi française impose aujourd’hui aux opérateurs est bien justifiée par une menace pour la sécurité nationale telle que définie par la CJUE.

Cependant, le Conseil d’État a refusé de vérifier si les organes de l’Union européenne, et en particulier la CJUE, n’excédaient pas leurs pouvoirs (le contrôle dit « ultra vires »). Il s’agit d’une décision de la CJUE, qui a indiqué que les pays de l’UE ne peuvent pas imposer aux opérateurs l’obligation de stocker des données concernant, entre autres, la localisation de tous les utilisateurs. Comme l’a décidé la CJUE, la seule exception à cette règle est la possibilité d’une collecte de données ciblée, dictée par une menace réelle et spécifique pour la sécurité nationale.

« Dans le cas des infractions identifiées par la CJUE, la solution d’une collecte de données ciblée n’est ni matériellement possible ni opérationnellement efficace. En effet, il n’est pas possible de pré-établir qui sera impliqué dans une infraction qui n’a pas encore été commise. ou où il sera commis » – a décidé le Conseil d’État français. Cependant, le gouvernement sera tenu « d’évaluer régulièrement la menace qui pèse sur le territoire français pour justifier la collecte de données », ajoute l’arrêt du Conseil.

« La France vit dans une menace grave, réelle et actuelle pour la sécurité nationale », a commenté la décision du Conseil de son vice-président Bruno Lasserre.

En France, juges et enquêteurs autorisent chaque année environ 2,5 millions d’utilisations des données collectées par les opérateurs de télécommunications. Selon les décisions du Conseil d’Etat, les enquêteurs ne pourront plus utiliser les données des opérateurs dans les cas de délits de droit commun tels que le trafic de drogue, le vol, le cambriolage ou le braquage.

En ce qui concerne l’utilisation des données par les services de renseignement, le Conseil d’État exige que l’autorisation délivrée par le Premier ministre soit approuvée par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Le régime juridique des métadonnées de communication est à l’origine de ce qui restera sans aucun doute l’une des décisions les plus importantes adoptées par l’Assemblée du Conseil d’État en 2021, écrivait Larrouturou en juin de cette année. sur le blog de la revue internationale « Jus Politicum » consacrée au droit constitutionnel.

Cette décision confirme explicitement la primauté de la norme constitutionnelle dans l’hypothèse de départ et, parce qu’elle peut en un sens être qualifiée de première manifestation d’une collision irréductible entre la constitution française et le droit dérivé, cette décision est d’une importance capitale tant pour les constitutionnalistes que pour les pour les Européens, a noté Larrouturou.

« Le Conseil d’État commence par la confirmation solennelle de sa jurisprudence permanente, partagée avec le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, qui place la constitution au sommet de l’ordre juridique français. Inutile de dire que cette position n’est pas conforme à le principe de primauté confirmé par la CJUE, selon lequel aucune norme interne ne peut empêcher l’application des normes européennes « – a rappelé l’expert.

Katarzyna Stańko de Paris

Nihel Beranger

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