Glasgow, 7 novembre 2021 (AFP) – « Nous n’étions pas les bienvenus, mais cela a changé », disent-ils. Poussés par la crise climatique, les tenants du nucléaire, à commencer par le patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), sont venus faire valoir leurs mérites lors de la COP26 à Glasgow.
« Cette COP est peut-être la première où l’énergie nucléaire a sa place à la table des négociations, est prise en compte et peut parler sans le fardeau idéologique qui existait avant », a déclaré à l’AFP l’Argentin Rafael Mariano Grossi, directeur général de l’AIEA.
Dans les années qui ont suivi l’accident nucléaire de 2011 à la centrale électrique de Fukushima au Japon, les réticences étaient croissantes, mais maintenant « la situation a changé », dit-il.
Dans le contexte du changement climatique, l’argument de ses faibles émissions de CO2 prend de l’importance, principalement lié à l’extraction d’uranium et de béton pour les usines.
« L’énergie nucléaire fait partie de la solution au réchauffement climatique. Ce n’est pas une panacée, ce n’est peut-être pas pour tout le monde, mais elle fournit déjà plus de 25 % d’énergie propre.
« Sans elle, nous ne réussirons pas », se défend Grossi, défenseur de la cause depuis sa prise de fonction en décembre 2019.
« Ma première COP était à Madrid », à la fin de cette année-là, se souvient-il. « J’y suis allé malgré l’idée répandue que l’énergie nucléaire ne serait pas la bienvenue. Maintenant, elle suscite même beaucoup d’intérêt », ajoute-t-il.
– Les réacteurs centenaires – A Glasgow, rencontre des ministres et autres autorités, expliquant que ces technologies peuvent remplacer les combustibles fossiles.
L’atome comporte de grands risques : accidents, stockage et traitement compliqués de déchets hautement radioactifs pendant des milliers d’années, coûts élevés… des arguments qui mobilisent plusieurs ONG.
Mais Grossi soutient que les critiques sont exagérées.
« Il faut voir les faits », dit-il. « En France, cela représente plus de 70 % (de l’électricité), aux Etats-Unis 20 %, en Russie autant… L’énergie nucléaire ne s’arrête jamais, elle complète d’autres sources, dont les renouvelables », argumente-t-il.
Selon lui, « les accidents sont rares, si l’on regarde les statistiques en termes de conséquences, bien en deçà des autres sources d’énergie ».
Mais de nouveaux réacteurs peuvent-ils être déployés assez rapidement pour répondre au changement climatique ? L’Argentin défend que « nous devons commencer à préserver ceux qui existent ».
Mais combien de temps peuvent-ils durer ? « Nous voyons des usines prévues pour 60 ans avec les normes les plus strictes appliquées par les régulateurs nationaux et supervisées par l’AIEA », dit-il.
Dans les couloirs de la COP26, des militants de « Nuclear for Climate » – dont certains professionnels du secteur – se font entendre.
« Parlons nucléaire ! dit la chemise de Callum Thomas, un observateur britannique aux négociations au nom de l’Atomic Industrial Forum du Japon.
« Beaucoup voient les prix du gaz quadrupler et la viabilité de l’énergie nucléaire augmenter », dit-il.
– Pour tous? -Le monde est tellement en retard dans ses objectifs climatiques et la transition énergétique pour éliminer les hydrocarbures que l’argument nucléaire peut être très puissant. Certains scientifiques le défendent.
Dans la plupart des scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations Unies visant à limiter le réchauffement à +1,5°C, la proportion d’énergie nucléaire a augmenté, bien qu’ils préviennent également que son déploiement « peut être limité par les préférences sociétales ».
Les pays sont divisés. L’Allemagne s’y oppose tandis que la France la défend, la Chine possède le plus grand nombre de réacteurs au monde et l’Union européenne se demande si elle doit l’inclure dans sa note d’investissement « durable ».
De nombreuses institutions ne financent pas non plus de projets nucléaires, comme la Banque mondiale, récemment visitée par Grossi.
A la COP26, « les pays en développement, notamment, sont venus nous demander de l’aide », précise-t-il.
« Les pays voient les petites unités comme une alternative intéressante, impliquant des centaines de millions (de dollars) plutôt que des milliards », explique-t-il, proposant également des « programmes pas à pas » pour accompagner les nouveaux arrivants.
Le Canada et les États-Unis développent déjà de petits réacteurs modulaires, ou SMR pour son acronyme en anglais, même si jusqu’à présent seule la Russie a ouvert une usine flottante avec cette technologie.
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