La France perd de son influence en Afrique – politique

Pour combien de temps encore ? Sylvain Itté, l’ambassadeur de France à Niamey, la capitale du Niger, dort désormais dans son bureau. Protégé par de hauts murs dotés de barbelés, une unité spéciale de gendarmes patrouille 24 heures sur 24. La résidence est de l’autre côté de la rue, mais traverser la rue pourrait être trop dangereux. Itté n’est d’ailleurs que quatre salariés à l’écart, tous les autres ont été ramenés. Depuis un moment, une rumeur courait selon laquelle la junte qui a pris le pouvoir au Niger il y a un mois avait coupé l’électricité et l’eau à l’ambassade.

Mais c’était une fausse nouvelle, une parmi tant d’autres. Cette histoire consiste également à dominer le grand récit. Les putschistes veulent expulser Sylvain Itté du pays, assez violemment. Avec leur politique dure contre la vieille puissance coloniale, la France, ils attisent le ressentiment déjà répandu parmi les jeunes. La haine est leur plus grand atout, après le coup d’État il y a eu des attaques contre l’ambassade.

Macron : « Une épidémie de coups d’Etat »

Un premier ultimatum est expiré, rien ne se passe. Itté persévère, il n’a pas d’autre choix : Paris fait de sa présence au Niger une question de principe, s’opposant à la propagande des putschistes avec une intransigeance démonstrative.

L’ambassadeur, a déclaré le chef de l’État français Emmanuel Macron, a reçu son accréditation des mains du président démocratiquement élu du Niger, Mohamed Bazoum. Ils ne s’y conformeront que s’il expulse le délégué du pays. Bazoum serait retenu en otage au palais présidentiel par les putschistes. Rien ne laisse penser qu’il reviendra au pouvoir, même s’il est encore en vie. Macron a également déclaré qu’on ne voulait être « ni paternaliste ni faible » en Afrique, mais qu’il y avait une nuance de défi. Ce poste ne peut toutefois pas être occupé très longtemps – tout comme l’ambassadeur Sylvain Itté, isolé dans son bureau à Niamey.

Les Français recherchent de toute urgence un nouveau rôle géopolitique sur le continent, la situation de départ étant particulièrement défavorable au Sahel. Mali, Burkina Faso, désormais Niger : trois coups d’État en moins de trois ans ont fragilisé la position de la France, Macron parle d’une « épidémie de coups d’État ». La France a rapidement retiré ses troupes du Burkina Faso et du Mali, poussée par les abus. Surtout, l’opération Barkhane au Mali – malgré toutes les bonnes intentions dans la lutte contre les jihadistes – était de plus en plus détestée : plus elle durait, plus elle apparaissait aux yeux de la population comme une armée d’occupation.

Les centrales nucléaires ont besoin de l’uranium du Niger

Le Niger devient aujourd’hui un exemple exemplaire, un barrage qui ne doit pas non plus se rompre. La France exploite une base militaire dans le pays avec 1 500 soldats, des drones et des avions de combat de type Rafale, qui veulent absolument qu’il y soit stationné. La France a aussi des intérêts économiques : une partie de l’uranium utilisé dans le parc nucléaire français provient du Niger. Ce n’est pas crucial, mais ce n’est pas non plus insignifiant.

Dans le passé, d’autres pays occidentaux, y compris les États-Unis, ont toujours pris pour modèle la politique française lorsqu’ils s’impliquaient dans cette partie de l’Afrique. Ils s’accrochaient à ceux au pouvoir qui plaisaient aux Français, même s’ils ne respectaient pas toujours les hautes normes morales et démocratiques. Dans une certaine mesure, Paris reste la référence de la région, le mécène incontournable qui tire toutes les ficelles. La « Françafrique », comme on appelait dans l’ancienne « arrière-cour », ce réseau serré d’intérêts politiques et économiques, était déjà discutable – et souvent carrément paternaliste.

1 300 soldats américains sont stationnés au Niger

Désormais, par exemple, les Américains, les Allemands et les Italiens n’agissent plus automatiquement dans le sillage de la France. L’exemple du Niger le montre également. Alors que Paris fait pression depuis le coup d’État pour le retrait militaire des putschistes, commandé par l’alliance régionale ouest-africaine plutôt édentée, la Cedeao, d’autres capitales occidentales se sont montrées beaucoup plus prudentes à l’égard de la junte. Washington rejette ouvertement une « option militaire ».

En France, cela apparaît comme un affront, comme un rejet inamical des vieilles coutumes. Il s’agit de bien plus encore ; le rapport de force est actuellement en train de changer et les Russes jouent également un rôle dans la redistribution. A noter que les États-Unis disposent d’une force conséquente stationnée au Niger : 1 300 soldats au total, répartis sur deux bases, l’une à Niamey et l’autre à Agadez. De là, ils surveillent toute la région. Toutes les troupes étrangères sont impopulaires auprès du peuple nigérien. Mais les Français sont les moins populaires de tous, entachés par la puanteur du colonialisme.

Les médias français débattent désormais de la manière dont le « sentiment antifrançais », ce rejet diffus de la France, s’est si fortement développé dans de nombreux pays africains dans un passé récent. Cependant, les raisons ne sont pas nouvelles. La France n’a jamais vraiment fait d’effort de sympathie. Le pouvoir, les affaires et les bases militaires comptaient toujours. Le franc CFA, la monnaie sur laquelle il est basé, en est le symbole le plus marquant : on l’appelle ainsi depuis l’époque coloniale jusqu’à aujourd’hui, même si le franc a depuis longtemps cessé d’exister.

Il existe aujourd’hui parmi les dirigeants du sillage d’autrefois le sentiment que la France est devenue « radioactive » pour les intérêts en Afrique, comme l’a récemment déclaré un chercheur américain au journal. Le Figaro cité. « Tout ce qui relève de la French touch est contaminé. » Le vieux mécène, autrefois indispensable, semble avoir fait son temps, alors les gens préfèrent rester à l’écart.

Nihel Beranger

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