Le dilemme est né de la conjonction de deux facteurs qui agitent la politique française : un mouvement MeToo dans lequel plusieurs personnalités masculines ont été accusées de harcèlement sexuel ; et un nombre sans précédent de femmes candidates à l’Élysée.
Pecresse a finalement accepté de participer au programme, à condition qu’il puisse répondre aux allégations contre Bourdin. « Si ces accusations sont fondées, elles sont graves et doivent être condamnées. Lutter contre le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes est pour moi un combat personnel », a-t-il déclaré en direct, visiblement abasourdi, au journaliste de 72 ans.
« Pendant trop longtemps la société a détourné le regard […] trop de femmes ont eu peur, trop longtemps, de porter plainte […] la loi du silence est révolue », a ajouté le républicain. Bien que l’initiative ait suscité des réactions polarisées, elle pointe selon certains un thème incontournable de la campagne présidentielle.
« C’est la première campagne électorale depuis Me Too, et la confrontation télévisée a été un tournant. Mouvement MeToo Politique, qui dénonce les violences sexuelles et sexistes en politique.
Normalisation des femmes au pouvoir
En décembre, après avoir battu plusieurs opposants masculins, Pecresse est devenue la première femme à être nommée par le parti conservateur pour se présenter à la présidence. « C’était courageux de la part de Pecresse de s’exprimer à la télévision sur le harcèlement sexuel », déclare Coffin. « Elle a également estimé que ce ne serait pas un risque politique excessif. Cela montre que la question a le potentiel de décider du jeu, en termes de votes. »
Avec plus de candidats présidentiels issus des partis traditionnels que jamais auparavant, il s’agit d’un tournant dans la politique française. La maire de Paris Anne Hidalgo est également candidate au Parti socialiste, et Marine Le Pen fait à nouveau campagne pour le Rassemblement national d’extrême droite, qu’elle dirige. Enfin, l’ancienne ministre de la justice Christiane Taubira est récemment devenue la quatrième candidate à une tentative d’unification de la gauche française en crise.
Les analystes soulignent que cette présence dans la course présidentielle est la confirmation des avancées réalisées ces dernières décennies dans le renforcement de la participation politique des femmes. Les lois ont aidé : par exemple celle qui inflige une amende aux partis qui présentent moins de 49 % de femmes parmi leurs candidats aux législatives.
Avec 38,7% de représentation féminine à l’Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement, est la plus élevée jamais enregistrée, et la moitié des postes présidentiels sont occupés par des femmes.
« Le niveau de progrès est presque révolutionnaire », vante la politologue Catherine Achin, de l’université Paris Dauphine. « Il y a une normalisation de la présence des femmes dans les hautes sphères de l’administration. Même au niveau local, même si seulement 20% des maires sont des femmes, des métropoles comme Paris, Lille et Marseille ont élu des femmes maires. »
« Visible mais pas entendu »
Cependant, des obstacles subsistent, la discrimination quotidienne jouant un rôle central. « Le niveau de sexisme dans la politique française est encore très élevé, et chaque politique avec qui je parle le confirme », commente Coffin.
Son MeToo Politique reçoit de fréquents signalements anonymes : « Il ne se passe pas une semaine sans qu’un politique rapporte les insultes qu’il a dû entendre lors d’une prise de parole publique, ou les commentaires sexistes et misogynes en ligne. »
Florence Sandis, auteure du livre Brise le plafond de verre, a travaillé avec des femmes candidates lors des dernières élections législatives et en convient : « Plusieurs hommes politiques m’ont dit : ‘Nous sommes visibles, mais nous ne sommes pas entendu.’ Beaucoup pensent qu’ils sont incompétents. C’est parce qu’en France on associe le pouvoir à la masculinité.
Malgré les progrès politiques, les plus hauts échelons du pouvoir restent dominés par les hommes. Alors que le cabinet du président Emmanuel Macron est paritaire, la plupart des ministères clés sont dirigés par des hommes, à l’exception de la Défense.
Il en va de même pour les leaders du Parlement et la plupart des acronymes politiques. Le seul Premier ministre français a été Edith Cresson, en 1991. Et l’occupation de l’Élysée reste le plus gros obstacle. « Beaucoup de femmes sont déjà devenues des ministres emblématiques, mais aucune présidente de la République. C’est une barrière invisible », accuse Achin.
Selon le politologue, pour comprendre comment le rôle de la présidence française est vu à travers un prisme masculin, il est important de remonter à 1958, lorsque Charles de Gaulle est élu premier président de la Ve République, après la politique politico-militaire crise en Algérie.
« De Gaulle était un militaire et un héros de guerre. Il a façonné la présidence et y a laissé sa marque, avec son corps et sa stature imposants, d’une manière très masculine. que le président doit être suffisamment masculin, viril et assez confiant pour tenir le les clés de l’arsenal nucléaire entre ses mains. »
Féminine oui, féministe non
Les enquêtes sur les intentions de vote suggèrent que, lors de l’élection d’avril, l’ultra-droite Marine le Pen ou Valérie Pecresse pourraient se retrouver face à Macron lors d’un second tour. Cependant, aucun des deux n’a de plate-forme féministe.
« Le Pen ne défendrait certainement pas les droits des femmes si elle était élue. Ses attitudes politiques inquiètent en fait ceux qui attachent de l’importance à ces questions », déclare Amandine Clavaud, directrice de l’Observatoire de l’égalité femmes-hommes au sein du groupe de réflexion de la Fondation Jean Jaurès.
Même Pecresse – qui a juré de devenir « la première femme présidente de France » mais nie être féministe – n’a pas inspiré les militantes des droits des femmes, malgré sa récente attaque contre le harcèlement sexuel.
En janvier, la candidate républicaine a présenté son équipe de campagne présidentielle : un groupe entièrement masculin de 11 conseillers pour les domaines politiques clés. « Il y a une différence fondamentale entre avoir plus de candidates aux élections et promouvoir un programme plus féministe », dit Clavaud.
Auteur : Sonia Phalnikar
“Coffee addict. Lifelong alcohol fanatic. Typical travel expert. Prone to bouts of apathy. Internet pioneer.”