Polexit, le dangereux jeu du feu

UIl n’y a personne pour faire des recommandations à qui que ce soit et, encore moins, à un pays avec plus de mille ans d’histoire derrière lui, mais quand vous voyez la barbe de votre voisin coupée, mettez la vôtre à tremper, cela devrait bien vous faire réfléchir au gouvernement polonais des risques liés à une sortie improvisée de l’Union européenne. Le Royaume-Uni a quitté le club européen à la va-vite, avec une mauvaise négociation et il souffre aujourd’hui de pénuries, d’un manque d’effectifs et son unité nationale en Irlande du Nord vacille. Ça, un royaume insulaire, une puissance mondiale de la finance et du commerce. La Pologne est l’État continental le plus dépendant de l’UE, non seulement en raison de l’importance de ses fonds dans le développement économique, mais aussi en raison de sa situation géostratégique de mur de soutènement pour les revendications annexionnistes de la Russie de Poutine. Pour cette raison, le simple fait d’inventer le Polexit comme solution aux conflits ouverts entre Varsovie et Bruxelles joue beaucoup avec le feu.

Respecter les règles du jeu La récente résolution de la Cour constitutionnelle polonaise proclamant la supériorité des lois polonaises sur le traité UE et, par conséquent, sur les décisions de la Cour de justice de l’UE, est la goutte qui a fait déborder le vase du non-respect par la Pologne de ses obligations européennes. C’est une décision politique, puisque la justice polonaise est intervenue par le gouvernement depuis des années, qui révoque et place les juges à volonté. Un fait pour lequel la Commission européenne a déjà ouvert un dossier contre la Pologne en tant que violation de l’article 7 du traité de Lisbonne, pour violation de l’État de droit et de la séparation des pouvoirs, élément clé de l’architecture démocratique. Bruxelles a ouvert quatre procédures d’infraction au cours des trois dernières années à la Pologne pour ses réformes judiciaires, pour tenter d’amener l’exécutif à renverser, entre autres mesures, les règles qui accordent à la Cour suprême une compétence exclusive pour statuer sur l’indépendance judiciaire, et qui oblige les juges de divulguer des informations sur leurs activités non professionnelles, et élargit la notion d’infraction disciplinaire.

dépendance vis-à-vis de l’UE Depuis sa transition démocratique en 1989, la Pologne a entamé un cycle de croissance économique ininterrompue. En seulement trois décennies, l’économie polonaise est passée de 45 % à 73 % du revenu par habitant par rapport à la moyenne de l’UE. Mais c’est depuis son intégration à l’Union, le 1er mai 2004, que cette tendance s’est plus nettement accentuée. Dans le commerce extérieur, la dépendance de la Pologne vis-à-vis du reste des États membres de l’UE se démarque, tant au niveau des importations (69,5%, contre 62,2% de la moyenne de l’UE en 2019), que des exportations (79,8%, contre 63,3% en moyenne pour l’UE en 2019). La Pologne était le huitième État membre (UE-28) en valeur pour les exportations intracommunautaires et également le huitième pour les importations intracommunautaires en 2019, étant bien sûr son principal partenaire commercial l’Allemagne. De plus, dans le cycle 2014-2020, la Pologne était le pays qui a le plus bénéficié des fonds structurels européens et devrait recevoir 40 000 millions d’euros du fonds de relance Next Generation EU, actuellement suspendu en raison du mécanisme de conditionnalité appliqué par Bruxelles alors qu’ils ne se conforme pas. avec le traité de l’Union.

Dialogue sans chantage L’impulsion lancée par Varsovie n’a que peu de signes de succès. Il est évident que le gouvernement ultranationaliste du PiS, le parti Droit et Justice, a profité du moment apparent de faiblesse européenne après les élections allemandes que représentent le départ de Merkel et le semestre qui approche déjà en France de la présidentielle campagne. Mais la réalité est qu’aucune des deux parties ne peut se permettre de rompre les liens. La Pologne hors UE serait défensivement au risque de tensions avec la Russie et, économiquement, hors euro et avec une Europe en transition écologique elle aurait tout à perdre. Rappelons que les engagements européens de durabilité environnementale de décarbonation obligent la Pologne à fermer ses mines de charbon, qui pèsent aujourd’hui énormément dans le PIB national et emploient plus de 100 000 travailleurs directs. Ainsi, il s’agit de rechercher des solutions toujours en dialogue dans la marge autorisée par les traités de l’UE car le respect des valeurs et principes démocratiques est non négociable et ne peut faire l’objet de chantage.

Nihel Béranger

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