Quand la Suisse a empêché l’Italie d’après-guerre d’être exclue de la FIFA | Première page

Quelques heures après la réunion Italie-Suisse décisif pour la qualification pour la prochaine Coupe du monde au Qatar, retraçons unItalie-Suisse notamment, en novembre 1945, le premier match de l’équipe nationale italienne après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

FOOTBALL ITALIEN D’APRÈS-GUERRE – Plus de 60 millions de morts dans le monde, des villes dévastées et détruites à reconstruire, la faim et la pauvreté. C’est le formidable héritage que la Seconde Guerre mondiale a laissé aux survivants qui, à partir de la seconde moitié des années 40, ont dû retrousser leurs manches pour tout reconstruire, y compris les relations. La situation en Italie entre 1943 et 1945 s’était avérée dramatique également en ce qui concerne le sport et le football en particulier. La Ligne Gothique divisait l’ensemble du territoire national en deux secteurs avec des difficultés de communication considérables. A Rome, il y avait l’ancienne fédération qui avait réuni le football centre-sud, à Milan un Commissariat d’Alta Italia régnait sur les régions du nord. Cette séparation, pas du tout formelle, avait connu un premier moment important de rapprochement avec l’organisation de la manche finale du championnat 1945/46. De là aussi, l’ingénieur Barassi pour le Centre-Sud et l’avocat Mauro pour la Haute-Italie ont oeuvré pour la réunification politico-administrative du football italien.

LA « QUARANTAINE SILENCIEUSE » – Si donc, sur le plan intérieur, l’activité footballistique – et sportive – s’était poursuivie malgré de nombreuses difficultés, sur le plan étranger la situation était bien différente. Après avoir dit les critiques évidentes dans le secteur des transports et des communications qui ont inévitablement ralenti une reprise complète de l’activité sportive internationale, un élément décisif a également été donné par la façon dont les Fédérations des pays qui sont sortis vainqueurs de la guerre ont voulu se rapporter à leurs homologues du pays vaincus. Une attitude hostile envers les pays vaincus a émergé des conférences de Londres et de Moscou, qui s’est également répercutée dans le sport. Quant à l’Allemagne et au Japon, l’Italie aussi a été initialement exclue du renouveau sportif jusqu’à une grande partie de 1946. À une exception importante : la Suisse. L’historien du sport Nicola Sbetti dans son excellent travail Jeux diplomatiques. Sport et politique étrangère dans l’Italie de l’après-guerre – frais lauréat du prix CONI – il explique très bien comment seule la Suisse « a immédiatement œuvré à la reprise des relations bilatérales ». Restée neutre pendant la guerre, la Suisse n’a jamais rompu ses relations diplomatiques avec l’Italie et, une fois la guerre terminée, elle est le premier pays avec lequel l’Italie conclut un accord commercial.

ITALIE-SUISSE 1945 – Il est donc naturel qu’en matière de sport également les premiers pas internationaux italiens aient été avec la Suisse : de la fin du conflit à tout l’été 1946, la Suisse a été le premier pays avec lequel l’Italie a eu des relations dans presque tous les sports. Restant uniquement sur le terrain de football, déjà dans la seconde moitié de 1945 une équipe italienne avait franchi les frontières pour aller jouer un match amical. Le Turinois, à l’invitation de Lausanne, il se rend dans la ville suisse en septembre 1945 pour y disputer un match amical. Alors nous lisons de L’empreinte du 16 septembre : « (…) C’est la première équipe italienne à aller à l’étranger après la guerre: le premier à avoir des contacts avec l’étranger dans l’absolu ». Un premier pas vers le retour du football italien sur la scène internationale. En réalité, comme Sbetti s’en souvient toujours, Turin aurait déjà dû aller en Suisse pour jouer en juillet mais sur ce À l’occasion, le gouvernement allié n’a pas accordé les passeports nécessaires aux athlètes italiens.Cependant, c’est toujours la Suisse qui tend la main aux Italiens, même en novembre de cette année-là. Le 11 novembre, les Suisses devaient jouer contre l’Espagne, mais face au forfait ibérique, la Suisse s’est tournée vers la Fédération italienne, suscitant le mécontentement et les protestations des puissances victorieuses. Comme le reconstitue Sbetti, depuis quelques mois les relations entre la FIGC et la Fédération suisse s’étaient approfondies au point d’organiser un match amical entre la Suisse B et un représentant de la Haute-Italie à Locarno, précisément pour le 11 novembre, mais Le forfait de l’Espagne a incité la Suisse à inviter l’équipe nationale italienne en remplacement, et la FIGC ne l’a pas fait dire deux fois. Comme mentionné, l’étape de la Suisse a suscité le mécontentement des puissances gagnantes au sein de la FIFA. A la veille de Suisse-Italie, le Comité Exécutif de la FIFA s’est réuni à Zurich pour la première fois depuis la guerre dans une réunion où Rimet n’avait pas invité les représentants des nations vaincues. Rencontrer celui de la FIFA est très important car il serait discuté précisément sur le permanence de l’Italie au sein de la confédération, comme l’Allemagne et le Japon. La France et les pays nordiques étaient enclins à exclure l’Italie, d’autres étaient contre. La décision de la Suisse a pris les représentants de la FIFA au dépourvu, mais le match était désormais fixé et joué. La manière dont elle a été jouée et la manière dont l’Italie de Pozzo s’est présentée a une importance relative, tout comme le résultat sur le terrain. Le match s’est terminé 4 à 4, mais le fait décisif était autre chose. Le Comité Exécutif s’est clôturé avec l’exclusion de la FIFA de l’Allemagne et du Japon mais pas de l’Italie. Les délégués italiens ont réussi, également grâce à la démarche franchie par la Fédération suisse avec l’organisation de ce match, à ne pas être exclus de la FIFA. L’Italie est donc restée au sein du forum mondial du football, mais cela n’a pas suffi à calmer le climat. De nombreux pays – notamment nordiques – avaient mal toléré la décision prise unilatéralement par la Suisse d’organiser ce match, la considérant comme une « fuite en avant » trop rapide dans le processus de « réhabilitation » italien. Preuve en est, l’équipe nationale italienne devra attendre plus d’un an avant de rejouer un match international officiel.

Nihel Béranger

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