Il appartenait à la ministre fédérale des Affaires étrangères Annalena Baerbock de faire une déclaration au nom de son collègue français lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Tolède, en Espagne. Catherine Colonna s’est précipitée devant les journalistes sans rien dire vers la salle de conférence où les ministres voulaient évoquer la situation au Niger après le coup d’État militaire, mais aussi des idées pour une nouvelle stratégie à l’égard des pays de la région du Sahel. La politique précédente est considérée comme un échec. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a déclaré, de manière peu diplomatique : « Ça a mal tourné et ça continue à mal tourner ». Et cela a aussi quelque chose à voir avec la France, l’ancienne puissance coloniale, ce que personne à Tolède ne dit ouvertement.
En réponse au soulèvement de Niamey, Berlin et Paris ont proposé conjointement des sanctions contre les principaux membres de la junte, ce que le chef de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrell, a accepté. Baerbock a souligné qu’il y avait eu une coordination étroite avec l’organisation régionale Cedeao, à laquelle appartiennent 15 États d’Afrique de l’Ouest. Le président de la Commission, Omar Touray, était invité à Tolède, tout comme le ministre des Affaires étrangères du gouvernement démocratique déchu du Niger, Hassoumi Massoudou. Les États africains devraient montrer la voie lorsqu’il s’agit de problèmes en Afrique – c’est l’une des leçons tirées de l’aggravation des problèmes.
Le Niger était le dernier partenaire de la région
Borrell avait déjà annoncé mercredi qu’il tenterait d’imposer le même type de mesures punitives que celles décidées par la Cedeao. Elles pourraient être dirigées principalement contre les principaux putschistes et les organisations qui les soutiennent. Outre les interdictions d’entrée dans l’UE, des sanctions financières pourraient être imposées et les avoirs pourraient être gelés. Peu de temps après le coup d’État, l’UE a suspendu tous les paiements de soutien antérieurs.
Baerbock a déclaré qu’on ne peut pas détourner le regard lorsqu’une démocratie est en train d’être coupée. L’UE doit faire savoir clairement qu’elle ne restera pas les bras croisés et n’acceptera pas la destitution violente d’un président démocratiquement élu. Des décisions formelles n’étaient pas encore attendues à Tolède, mais un accord politique sur les sanctions était en train de se dessiner, selon les diplomates.
Au Niger, des officiers de la garde présidentielle ont arrêté et destitué le président Mohamed Bazoum en juillet. Le commandant de la Garde, le général Abdourahamane Tiani, s’est proclamé nouveau dirigeant, a suspendu la constitution et a déclaré toutes les institutions constitutionnelles dissoutes.
Des putschistes menacent l’ambassadeur de France
L’UE et le gouvernement fédéral en ont été quelque peu surpris. Après que les dirigeants militaires du Mali voisin ont forcé le retrait des troupes françaises, puis de la mission de stabilisation de l’ONU Minusma, Berlin et l’UE ont voulu concentrer leur coopération sur le Niger. La Bundeswehr avait prévu d’effectuer l’essentiel de son retrait du Mali via Niamey, où sont toujours stationnés plus de 100 soldats allemands.
Tiani a récemment annoncé qu’il nommerait un gouvernement de transition qui resterait en fonction jusqu’à trois ans. L’UE et la Cedeao appellent en revanche au retour à l’ordre démocratique et à la réintégration de Bazoum au pouvoir. L’Algérie a annoncé mardi une initiative visant à résoudre le conflit, qui comprend une période de transition de six mois et une conférence des Nations Unies pour rétablir l’ordre constitutionnel.
L’annonce par les putschistes de la levée de l’immunité diplomatique de l’ambassadeur de France Sylvain Itté montre à quel point la situation reste tendue. La police avait reçu l’ordre de l’emmener hors du pays. La junte lui avait auparavant demandé de quitter le pays. Le président français Emmanuel Macron a rejeté cette proposition car Paris, comme les autres États de l’UE, ne considère comme légitimes que les gouvernements démocratiquement élus. La junte maintient également ses troupes en état d’alerte. La Cedeao avait menacé d’intervenir, mais souhaite avant tout parvenir à une solution diplomatique.
Paris est fortement engagé mais détesté
Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont ensuite discuté confidentiellement d’idées pour une nouvelle stratégie à l’égard des États de la région du Sahel. Le Niger était le dernier des cinq pays avec lesquels les États de l’UE avaient renforcé leur coopération en matière de sécurité. Il existe divers groupes extrémistes islamistes dans la région, notamment des groupes affiliés à la milice terroriste État islamique et ceux ayant des liens avec Al-Qaïda. En outre, d’importantes routes migratoires traversent les zones désertiques peu peuplées. Des mercenaires russes sont présents dans certains États. Ils ont été déployés ici pour le groupe Wagner, en voie de dissolution et dont le chef Eugène Prigojine est récemment décédé dans un accident d’avion.
Un problème pour les Européens est qu’il existe désormais une grande résistance contre la France dans la région. C’est pourquoi le rôle de leader de la France au sein de l’UE est considéré comme problématique. Dans le même temps, Paris a jusqu’à présent été le pays le plus impliqué militairement, politiquement et économiquement dans la région. Les diplomates ne considèrent donc pas comme réaliste une stratégie européenne pour le Sahel sans Paris. Selon certaines informations, les ministres voulaient discuter dans leur cercle le plus proche s’ils répondraient à la demande de la Cedeao de soutenir financièrement la mise en place d’une force dite en attente. Il pourrait être utilisé dans une éventuelle intervention contre la junte militaire au Niger.
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