Différend sur le pacte AUKUS : une question de confiance entre alliés | Le Monde | DW

La colère du gouvernement de Paris face au comportement des États-Unis dans le Pacte d’Aukus, l’alliance militaire dirigée par les États-Unis dans l’Indo-Pacifique, ne faiblit pas. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a même mis de l’huile sur le feu le week-end dernier.

Pendant ce temps, les dirigeants de l’Union européenne (UE) prennent position du côté français. Dans une interview accordée à CNN, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a déclaré : « L’un de nos pays membres a été traité de manière inacceptable. Nous voulons savoir ce qui s’est passé et pourquoi. »

Annuler et geler

Le gouvernement français avait déjà réagi extrêmement durement au comportement de ses alliés en appelant ses ambassadeurs de Canberra et de Washington, mais il ne semble pas avoir épuisé toutes ses mesures. Paris, par exemple, a annulé une réunion prévue des ministres de la Défense avec la Grande-Bretagne, prévue cette semaine. En principe, les deux pays travaillent en étroite collaboration sur les questions de défense, mais la colère face au traitement américain ne s’arrête pas aux Britanniques.

Le porte-parole de l’Elysée a rappelé ce lundi (20.09.2021) que les négociations commerciales sont de la responsabilité de la Commission européenne à Bruxelles. La France représentera vos intérêts, comme elle le fait toujours dans les affaires commerciales européennes. Aujourd’hui pourtant, « une large réflexion collective de la part des Européens a été nécessaire », a-t-il prévenu. Les négociations pourraient être suspendues après onze cycles de pourparlers. La partie australienne espère parvenir à un accord avec l’UE d’ici la fin de l’année.

Lorsque les ministres français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et son homologue américain, Antony Blinken, se sont rencontrés cet été, tout allait encore bien entre les deux pays.

Abus de confiance

« C’est un coup porté à la stratégie des Français dans le Pacifique Sud, qu’ils ont construite au fil des ans en coopération avec l’Australie », a déclaré à DW Frédéric Grare de l’institut politique ECFR à Paris. Par exemple, des exercices maritimes conjoints ont été menés et la coopération va bien au-delà du domaine militaire. Après tout, les deux pays sont voisins par la Nouvelle-Calédonie. Le fait que la France n’ait pas été informée ou impliquée dans AUKUS affaiblit incontestablement la position française.

Grare considère que les déclarations de la partie australienne selon lesquelles l’accord d’armement pour la livraison de sous-marins diesel, via la France, était retardé et de toute façon problématique, étaient une manœuvre de diversion. Des contrats d’armement ont déjà été annulés par le passé et des solutions commerciales ont été trouvées. Dans ce cas, il s’agit de l’abus de confiance de la part des alliés.

En tout cas, outre-Atlantique, ils ont sous-estimé la réaction française. Maintenant, la France veut savoir du gouvernement des États-Unis quelle est sa vision du Pacifique Sud, car c’est plus qu’une question militaire. Après tout, la Chine a pu consolider son influence dans la région à grande échelle malgré les excellentes capacités militaires des États-Unis. De plus, la question se pose de savoir quel type de relation les États-Unis souhaitent avec leurs alliés européens. L’appel téléphonique annoncé entre le président français Emmanuel Macron et son homologue américain, Joe Biden, ne sera de toute façon « pas très amical ».

Joe Biden, Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen.

Le gouvernement français prétend que lors de la réunion du G7 à Cornwall en juin dernier, l’occasion de discuter avec les Américains a été perdue.

Tout tourne autour de la Chine

« D’une certaine manière, les Français exagèrent », a déclaré à DW Judy Dempsey du Carnegie Europe Center, « surtout lorsqu’il s’agit de convoquer des ambassadeurs ». L’Australie a subi d’énormes pressions de la part de la Chine ces derniers temps, et les Européens n’ont rien fait pour l’aider. D’un autre côté, soutient-il, les États-Unis ont pour la deuxième fois négligé de consulter leurs alliés. Après la débâcle en Afghanistan, c’est mal vu.

Cependant, Dempsey considère qu’il s’agit d’une « négligence et d’un manque de professionnalisme ». En principe, la question centrale est la confiance entre les alliés : « L’Europe a assez de problèmes avec la Chine, la Russie et les autres. Mais si les alliés ne peuvent pas se faire confiance, alors nous sommes dans une mauvaise situation dont Pékin et Moscou peuvent profiter.

(rmr/cp)

Nihel Beranger

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