Il s’agit de la loi la plus ambitieuse et la plus controversée de la dernière partie de la présidence d’Emmanuel Macron, un projet de lutte contre ce que le président français a qualifié de « séparatisme islamiste ». L’Assemblée nationale a adopté hier un texte qui tente d’actualiser le modèle laïc, garant de la liberté de culte et en même temps de la neutralité de l’Etat face aux religions. La décapitation d’un professeur de lycée par un islamiste et les critiques internationales de Macron pour sa stratégie contre l’islamisme ont marqué un débat qui touche au cœur de l’identité politique de la France : la laïcité.
Le « projet de loi qui réaffirme les principes républicains » — c’est enfin le nom complet, que l’islam ne mentionne pas — modifie certaines lois fondamentales de la France moderne, comme la loi de 1882 sur la liberté d’enseignement ou la loi de 1905 sur la séparation. des Eglises et de l’Etat.
Le texte a été approuvé par 347 voix pour, 151 contre et 65 abstentions. Les députés de La República en mars, le parti de Macron, ainsi que ceux de plusieurs petites formations qui le soutiennent, ont voté pour. Le premier parti d’opposition, la droite républicaine traditionnelle, a voté contre, tout comme La Francia Insumisa, le parti de la gauche populiste. Le Parti socialiste et les six députés d’extrême droite du Regroupement national se sont abstenus, parti qui n’a pas de groupe propre à l’Assemblée nationale, mais qui aspire à gouverner la France après les élections présidentielles de 2022 et qui occupe une place centrale dans toutes les discussions sur l’identité nationale et l’islam.
Le vote met fin à 135 heures de discussion législative au cours desquelles plus de 300 amendements ont été adoptés. Les débats ont mis en scène l’affrontement entre les différentes interprétations de la laïcité. D’une part, celle de ceux qui prônent une application rigoureuse de la loi de 1905 comme principe applicable à tous les Français quelle que soit leur religion. De l’autre, celui de ceux qui défendent une application plus attentive à la diversité de la vraie France et aux discriminations qui peuvent toucher les six millions de musulmans de ce pays. A gauche, une critique est que les mesures contre les discriminations sociales et la stigmatisation sont contournées, et certains accusent le président de jouer le jeu de l’extrême droite, qui a voté en faveur de certains articles de la loi bien qu’elle se soit abstenue lors du vote final. A droite, Macron est accusé de timidité et est accusé de ne pas préciser que la loi est dirigée contre l’islamisme.
Le texte ira désormais au Sénat, contrôlé par la droite. Après, l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
L’empreinte du professeur Paty
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La loi renforcera le contrôle des mosquées et des associations pour s’assurer qu’elles respectent les principes républicains et réprimera les discours de haine sur internet. Il créera également un délit spécifique passible de trois ans de prison et de 45 000 euros pour « mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion, dans un but malveillant, d’informations liées à la vie ». L’article sur ce nouveau crime est connu sous le nom d’« article de Samuel Paty ». C’est le nom du professeur de lycée qui a été assassiné le 16 octobre après une campagne de harcèlement sur les réseaux sociaux menée par le père d’un élève, mécontent que Paty ait montré une caricature de Mahomet dans un cours sur la liberté d’expression.
L’une des propositions qui a suscité le plus de discussions à l’Assemblée nationale était celle qui interdisait l’enseignement à domicile dès l’âge de trois ans pour éviter l’endoctrinement en dehors du système éducatif. La proposition a été critiquée par des groupes chrétiens. Le texte final envisage une série d’exceptions et la mesure ne sera appliquée qu’en 2024. Les propositions d’opposer son veto au voile dans les universités ou d’interdire aux mineurs de le porter n’ont pas abouti.
La loi répond à un contexte de près d’une décennie d’attentats djihadistes qui ont fait près de 300 morts. Beaucoup d’entre eux ont été perpétrés par des musulmans français. Depuis 2014, quelque 1 500 Français ont rejoint l’État islamique en Syrie et en Irak. Les autorités considèrent qu’il existe un terreau à cette radicalisation dans les quartiers où des mosquées ou des ONG promeuvent, par endoctrinement ou discours de haine, un projet de sécession de la France, considérant que les normes religieuses l’emportent sur les lois républicaines.
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