La lutte pour la laïcité – politique

En théorie c’est simple : la laïcité française est censée libérer. Il devrait donner à l’individu le choix de croire en un seul ou en aucun dieu ou en plusieurs dieux. La laïcité entend tenir deux des grandes promesses de la république : liberté et égalité, liberté et égalité. Car si la foi est une affaire purement privée, la valeur de l’individu ne doit pas se mesurer à sa religion. Dans le même temps, la religion doit rester à l’écart de l’État.

La mise en place du « Comité interministériel de la laïcité » qui a commencé ses travaux cette semaine montre combien c’est plus compliqué dans la pratique. Le comité remplace « l’Observatoire de la laïcité », qui sera dissous cet été. Simplement un changement de nom, pourrait-on penser, après tout, le comité fera la même chose que l’observatoire a fait avant : s’assurer strictement que la séparation de l’Église et de l’État est respectée. Mais alors que l’Observatoire était indépendant, le « Comité interministériel » est une institution étatique qui regroupe une dizaine de membres du gouvernement. Parmi eux, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer et la ministre de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, qui est rattachée au ministre de l’Intérieur. Tous deux ont trouvé leur identité politique dans la lutte pour la laïcité.

Schiappa va jusqu’à qualifier le nouveau comité de « bras armé » de la laïcité. Ce qui illustre bien la rhétorique martiale du débat actuel. D’un côté il y a ceux qui ont une idée plus libérale de la manière d’aborder la religion, de l’autre il y a ceux qui s’engagent pour la « laïcité de combat », combattre la laïcité. Cette ligne sépare également l’observatoire désormais aboli du comité nouvellement créé. Lorsqu’un politicien d’extrême droite s’est fâché en 2019 qu’une femme portant un foulard était assise dans les tribunes d’un parlement local, l’observatoire s’est apaisé. Oui, la femme est autorisée à porter un symbole religieux dans une institution publique, après tout, elle y est en tant que personne privée, pas en tant que représentante de l’État. Le membre du comité et ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer souhaite en revanche interdire aux mères de porter le foulard dès qu’elles partent en voyage scolaire pendant leur temps libre.

L’islam gagne en visibilité

Le cœur du conflit est double : comment la France traite-t-elle ses immigrés ? Et comment fait-il face à la menace posée par l’islamisme ? Lorsque fut votée en 1905 la loi sur laquelle repose encore aujourd’hui la séparation de l’Église et de l’État, le but était de limiter l’influence de l’Église catholique. Mais le nombre de catholiques diminue depuis des décennies de toute façon, les églises sont vides. L’islam, quant à lui, gagne en visibilité dans l’espace public. Et ainsi, le différend sur la laïcité se transforme sans cesse en un différend sur l’islam. La création du comité d’État pour la laïcité est considérée comme une réaction au meurtre de l’enseignant Samuel Paty par un terroriste islamiste. Paty avait montré des caricatures de Mahomet en classe pour expliquer la logique de la liberté de la presse et de la laïcité.

L’ancien directeur de l’observatoire désormais aboli, Jean-Louis Bianco, voit dans la nouvelle politique de laïcité un affront à son travail. Il est « scandaleux » que le gouvernement donne l’impression que lui et son personnel n’ont rien fait contre les activités islamistes dans les écoles. Depuis 2015, il réclame ce que le comité doit désormais rendre possible : tous les fonctionnaires doivent être formés à la laïcité. Pour que les enseignants et les élus municipaux sachent comment réagir lorsque des élèves ou des citoyens remettent en cause les valeurs de la république. Mais Bianco tient à ne pas laisser la laïcité devenir un instrument de « contrôle et de répression ». La laïcité « nous apprend à vivre ensemble et à respecter nos différences respectives », a déclaré Bianco à Europe 1. La nouvelle politique de laïcité prévoit des règles plus strictes pour l’encadrement des associations religieuses. De nouveaux bureaux doivent être créés dans les préfectures de région pour signaler les violations de la laïcité. Cela peut inclure une piscine publique offrant des horaires de baignade séparés pour les hommes et les femmes.

Alors que les ministres de la laïcité commençaient leurs travaux, le président français Emmanuel Macron s’est rendu vendredi sur le site de pèlerinage catholique de Lourdes, au pied des Pyrénées. Tous ses prédécesseurs s’étaient abstenus de le faire par respect pour la stricte séparation de l’Église et de l’État. Macron a rencontré des dignitaires religieux et des représentants de l’office du tourisme de Lourdes.

Nihel Beranger

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