La santé des Polynésiens compromise par les essais nucléaires de la France

Les essais nucléaires menés par Paris en Polynésie française entre les années 60 et 90 auraient soumis des milliers de civils à des radiations et favorisé l’apparition de cancers dévastateurs. Un préjudice qui représenterait pour Paris une dépense en dédommagement d’au moins 700 millions d’euros. C’est ce qui ressort de l’enquête Toxique, fruit de la collaboration entre leONG de journalisme d’investigation Disclose, l’organisation environnementale Interprt et le programme Science & Global Security de l’Université de Princeton, après deux ans d’enquêtes sur les conséquences des expérimentations sur la population et l’environnement dans le Pacifique Sud.

L’enquête biennale, grâce à des documents militaires déclassifiés, des témoignages inédits, des rapports scientifiques et des reconstitutions 3D, démontrerait la véritable étendue des radiations durant la saison des essais nucléaires (193), entre les îles de Moruroa et Fangataufa mais aussi aux alentours de Tahiti, qui a commencé le 2 juillet 1966 et a duré trente ans.

Toxique elle suggérerait notamment que l’impact des essais d’Aldébaran, d’Encelade et de Centaure de 1966, 1971 et 1974 respectivement a été bien plus important qu’officiellement reconnu.

«L’État – a déclaré au Guardian le rédacteur en chef de Disclose Geoffrey Livolsi – a tenté d’enterrer les actifs toxiques de ces tests. La nôtre est la première tentative scientifique véritablement indépendante de mesurer l’étendue des dégâts et de reconnaître les milliers de victimes de l’expérience nucléaire française dans le Pacifique ».

En 2006, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) il avait rassuré sur les faibles niveaux de radiations auxquels la population avait été soumise et en 2010 Paris avait créé la Civen, une commission chargée d’indemniser les victimes civiles et militaires de la campagne nucléaire.

Selon Disclose, cependant, des calculs erronés et des omissions auraient sous-estimé l’impact néfaste des expérimentations, excluant ainsi des milliers de citoyens, ouvriers et soldats d’une éventuelle indemnisation. Puis en 2013, lorsque le ministère français de la Défense a décidé de déclassifier les documents sur le sujet, plusieurs chercheurs ont commencé à passer au crible les articles disponibles.

Selon les données issues des nouvelles recherches, la bombe Centaure à elle seule – la dernière à avoir explosé dans l’atmosphère avant que les tests français ne se déplacent sous terre – aurait amené des niveaux de contamination 40 % plus élevés que ceux déclarés, investissant des milliers de personnes dans plus que la des déclarations officielles, qui parlaient d’un nuage atomique de 9 000 mètres de haut qui se serait dispersé vers le nord. Or, il semblerait que l’altitude atteinte par le champignon toxique soit au lieu de 5 200 mètres et que le rayonnement se soit déplacé vers Papeete. De cette façon, les habitants polynésiens auraient été exposés à des rayonnements pendant des jours et en quantité trois fois supérieure à ce qui a été calculé par le CEA.

Selon l’agence Anadolu, dans d’autres régions comme les îles Gambier la population locale aurait manifesté l’apparition de cancers de la thyroïde, de la gorge et du poumon, des leucémies. Les mêmes maladies qui auraient touché 2 mille des 6 mille soldats qui, entre 1966 et 1974, résidaient dans les atolls de Moruroa et Fangataufa.

Donne Toxique Un rapport confidentiel a également vu le jour, envoyé de Paris au gouvernement polynésien, en février de l’année dernière faisant référence à la propagation des cancers de la thyroïde aux îles Gambier, zones directement touchées par les retombées du premier essai nucléaire français, Aldéraban, en juillet 1966. Selon le rapport, reconnaissance officielle par la France de l’impact sanitaire des tests, cela laisse peu de doute sur la relation entre les rayonnements ionisants et l’apparition de cancers.

Selon des entretiens avec des habitants polynésiens, dont beaucoup étaient des enfants au moment des tests, des tumeurs et des lésions osseuses et musculaires, liées à des intoxications au strontium et au césium, ont été diagnostiquées dans toutes les îles.

«Pour les victimes – lit-on dans le dossier – le recours à Civen est devenu l’équivalent d’un mur inviolable. Au cours des dix années qui ont suivi sa création, seules 454 personnes (sur dont seulement 63 habitants) a reçu une offre d’indemnisation pour un cancer causé par une exposition à la radioactivité, tandis que plus de 80 % des cas référés ont été rejetés. Les candidats déboutés n’ont aucune possibilité de connaître le motif de cette décision : la commission, en effet, ne fournit aucune justification de ses décisions, qui ne sont pas rendues publiques.

Ainsi, de nombreuses familles ont renoncé à réclamer ce qui leur revient de droit car elles ne disposent pas des informations médicales nécessaires pour porter plainte, ni des moyens de déterminer avec précision le niveau de rayonnement auquel elles ont été exposées.

Nihel Beranger

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