Cinq hommes sont hospitalisés en France, dont un en état de mort cérébrale et quatre dans un état grave, à la suite d’un essai clinique auquel ils ont participé, testant une nouvelle molécule du laboratoire portugais Bial. Il s’agit d’un accident « sans précédent » dans le pays, a déploré la ministre française de la Santé, Marisol Touraine. Les patients ont entre 28 et 49 ans et, selon le responsable, auront pris une dose plus élevée de la substance expérimentale.
La molécule est produite par Bial, qui a souligné que l’essai en question a déjà impliqué « 108 volontaires sains » en France depuis juin dernier, date de son démarrage, sans aucune nouvelle de « tout effet indésirable modéré ou sévère ». La nouvelle substance n’est pas testée au Portugal, ont assuré Bial et l’Autorité nationale des médicaments (Infarmed), dans un communiqué.
Le laboratoire pharmaceutique portugais a précisé que « cinq » participants à l’essai avec le « composé expérimental » présentent des symptômes sévères (le sixième hospitalisé ne présente pas de symptômes neurologiques) et que tous sont sous surveillance médicale permanente, au CHU de Rennes, dans l’ouest du Portugal. France. « Nous avons actuellement plusieurs employés sur place pour surveiller la situation », ajoute l’entreprise, qui examine attentivement toutes les procédures.
« Le développement de cette nouvelle molécule dans le domaine de la douleur (inhibiteur enzymatique FAAH) suit depuis le début toutes les bonnes pratiques internationales, avec des tests et des essais précliniques, notamment dans le domaine de la toxicologie », souligne le pharmacien, rappelant que le test a été homologué par les autorités réglementaires françaises.
Vendredi après-midi, en conférence de presse, le ministre français a précisé que la substance utilisée dans l’essai clinique ne contient aucun dérivé du cannabis, contrairement à ce qui avait été initialement affirmé par l’agence France Presse. « Il ne contenait ni cannabis ni aucun dérivé du cannabis », a assuré Marisol Touraine. La molécule testée porte le nom de code BIA 10-2474 et, selon le ministre, cité par Le Monde, il s’agit d’un produit qui vise à traiter « les problèmes d’humeur et d’anxiété, et les problèmes moteurs, liés aux maladies neurodégénératives ».
Toujours selon Marisol Touraine, c’est dans le laboratoire du centre de recherche Biotrial (qui menait l’essai à la demande de Bial), à Rennes, que le médicament antalgique a été administré à 90 personnes qui ont été recrutées et ont volontairement participé à l’essai clinique. Cet essai a inclus 128 personnes (les autres ont pris un placebo).
Mais ce sont les six derniers participants aux tests, des hommes âgés de 28 à 49 ans, qui ont commencé à montrer des symptômes que quelque chose n’allait pas dès dimanche dernier (le 10), a-t-il expliqué. Les volontaires ont commencé à prendre la dose prétendument la plus élevée de cette molécule à partir du 7 de ce mois. Deux autres ont reçu un placebo.
L’essai clinique était toujours en cours dans la phase dite I, c’est-à-dire lorsque seuls des volontaires sains entrent dans les tests, afin de comprendre quels sont les effets secondaires et toxiques des traitements, et après la phase préclinique, dans laquelle ils sont expérimentés sur les animaux. Dans les stades ultérieurs, les essais sont étendus et incluent des patients pour tester, en plus de la sécurité, son efficacité dans le traitement des pathologies.
Le directeur du service de neurologie de l’hôpital de Rennes, où les six patients restent hospitalisés, Pierre-Gilles Edan, a précisé qu’en plus de l’homme en état de mort cérébrale, il y en a trois autres avec des « blessures qui pourraient être irréversibles ». « Quand le premier est arrivé, on a pensé à un accident vasculaire cérébral (AVC) », a-t-il expliqué. L’état du patient s’est rapidement aggravé « au point qu’il est désormais en état de mort cérébrale », a déploré le médecin.
Quant aux autres patients, la situation s’est aggravée dans les premiers jours de cette semaine, a-t-il dit, ajoutant que « quatre ont des problèmes neurologiques de gravité différente ». L’autre patient ne présente aucun symptôme mais est surveillé de près, compte tenu de ce qui est arrivé aux autres volontaires. Sur les quatre présentant des symptômes, trois sont déjà dans un état « suffisamment grave » pour craindre une issue plus grave.
Problème de dosage ?
Marisol Touraine a souligné qu’il s’agit d’un accident sans précédent en France, dont les causes restent inconnues et a souligné que toutes les personnes concernées appartenaient au même groupe de volontaires, à qui le médicament a été administré à plusieurs reprises. C’est-à-dire avec une dose plus élevée.
C’est jeudi soir que le ministère français de la Santé a été informé des problèmes survenus à la suite des tests sur la molécule, administrée par voie orale, et tous les volontaires qui participaient à l’essai ont été convoqués entre-temps.
Les essais cliniques ont été interrompus dès lundi 11, la justice française a ouvert une enquête sur l’affaire et le ministre a ordonné une inspection administrative de « l’organisation, des moyens et des conditions d’intervention » du laboratoire dans la réalisation de l’essai clinique en question. L’autorité médicale française enquête également déjà sur le laboratoire et les circonstances dans lesquelles les tests ont eu lieu.
Interrogée par le PUBLIC, l’Autorité nationale du médicament (Infarmed), dans un communiqué, confirme avoir eu connaissance, « par l’intermédiaire de l’Agence française du médicament, de la survenance d’un accident grave, dans un centre de recherche en France, dans le cadre d’une essai clinique de phase I avec un médicament expérimental produit dans un laboratoire national ».
Cependant, la note ne mentionne jamais le nom de Bial. Infamed ajoute que, selon l’agence française, « 6 personnes ont été hospitalisées, dont une en état de mort cérébrale ». « Cette situation est analysée et suivie par les autorités françaises qui ont partagé l’information dans le cadre du réseau européen des autorités du médicament. Ce médicament n’est utilisé dans aucun essai clinique au Portugal.
Côté tutelle, le ministre de la Santé, Adalberto Campos Fernandes, a assuré suivre l’affaire « avec inquiétude », mais a réitéré sa confiance à Bial. Le responsable, cité par Lusa, s’exprimait en marge de l’inauguration du nouveau conseil d’administration d’Infarmed.
Cas rare mais pas sans précédent dans l’UE
Les problèmes graves dans les essais cliniques de phase I dans l’Union européenne (UE) sont rares, mais pas inconnus. En 2006, six volontaires sains avaient également été admis aux soins intensifs d’un hôpital de Londres, après avoir subi un traitement expérimental, rappelle Reuters, qui précise que l’une des personnes concernées était décrite comme ressemblant à « l’homme éléphant » et que d’autres en perdaient une partie. des doigts.
L’essai a conduit à l’effondrement de l’allemand TeGenero, qui développait un traitement connu sous le nom de TGN1412. La substance est depuis entrée dans de nouveaux essais pour la polyarthrite rhumatoïde et s’est révélée prometteuse à des doses plus faibles qu’on ne le pensait initialement.
Cinq ans plus tôt, une jeune fille de 24 ans, Ellen Roche, est décédée aux États-Unis alors qu’elle participait à un essai clinique d’un médicament expérimental contre l’asthme (hexaméthonium), menée par l’Université Johns Hopkins.
« Il existe un risque inhérent à exposer les gens à tout nouveau composant », a déclaré à Reuters l’expert Daniel Hawcutt, professeur de pharmacologie à l’Université britannique de Liverpool. Or, selon le professeur, l’Agence européenne des médicaments impose des règles très strictes pour éliminer le risque au maximum, ce qui n’invalide pas qu’il s’agisse d’un travail « hautement spécialisé ».
Au Portugal, le dernier bilan d’Infarmed (de 2015) indiquait qu’environ 12 000 personnes participaient à plus de 350 essais cliniques, principalement dans les domaines de l’oncologie, des maladies du système nerveux et des maladies infectieuses.
Les nouvelles molécules ne sont officiellement classées comme médicaments qu’après avoir été testées et approuvées par les autorités compétentes.
“Coffee addict. Lifelong alcohol fanatic. Typical travel expert. Prone to bouts of apathy. Internet pioneer.”