« Maintenant, je me sens bien. Sans blessures, je peux faire de grandes choses »

Vous vous souvenez de l’intrigue du film « être John Malkovich » ? Pour ceux qui ne s’en souviennent pas, on le résume en quelques mots : un marionnettiste peu doué trouve un passage qui lui permet d’entrer dans l’esprit de John Malkovich. Si un journaliste moins talentueux comme moi pouvait trouver le passage pour entrer dans l’esprit de Roger Federer, quelles pensées rencontreriez-vous ? Comment Federer lui-même juge-t-il sa saison et comment envisagez-vous les prochaines ?

En attendant de trouver ce passage, nous imaginions nous retrouver en sa compagnie dans un refuge immergé dans la neige des montagnes suisses et – favorisé par l’ambiance de complicité créée à table entre généreuses portions de raclette et verres d’eau-de-vie valaisanne – lui a demandé et qu’il a obtenu les réponses de son haut-parleur.

Ci-dessous, la transcription de l’interview qui n’a jamais eu lieu.

Roger, en 2021 tu as joué au total 5 tournois : Doha, Genève, Roland Garros, Halle et Wimbledon pour un total de 13 matchs, dont 9 gagnés et 4 perdus. A Paris, vous avez pris votre retraite en huitièmes de finale ; à Wimbledon, vous avez perdu en quarts de finale ; dans les trois épreuves restantes tu n’as jamais dépassé le troisième tour…

R : Roberto, quelle est la question ? Si nous commençons comme ça d’ici la fin de l’entretien, les neiges auront fondu et j’aimerais quand même faire quelques sciatines, si les genoux le permettent.

J’en viens au fait : de votre point de vue, le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide cette année ?

Je vous réponds de deux points de vue. Sous le personnel, le verre est plein. Comme je l’ai déjà dit à d’autres occasions, la première raison pour laquelle j’ai subi ces chirurgies était de pouvoir garantir une vie normale d’un point de vue physique une fois que j’ai accroché la raquette à un clou et de ce point de vue je me sens pleinement satisfait . D’un point de vue sportif, en revanche, j’ai du mal à vous répondre. Il y a des joueurs matures de haut niveau qui n’ont jamais dépassé les huitièmes de finale d’un tournoi majeur de toute leur carrière.

par exemple Basilashvili, un solide Top 20 qui s’est même offert cette année le luxe de vous battre à Doha mais qui n’a jamais dépassé un huitième à New York dans sa carrière..

… .Par exemple Basilashvili (merci de me rappeler ce match dans lequel j’avais aussi une balle de match). Mais – avec tout le respect que je dois à Nikoloz – j’ai une histoire et des compétences différentes des siennes et ce qui pour un bon joueur peut être un exploit pour moi ne l’est pas. Donc, pour revenir à votre question, la saison d’un point de vue sportif n’a été que partiellement satisfaisante pour moi. Aussi parce que j’espérais être présent à l’US Open.

De 1 à 10 quelle note te donnes-tu ?

6.

Beaucoup de vos fans – moi y compris – rêvaient de votre retour triomphal comme cela s’est produit en 2017. Y avez-vous pensé aussi ?

Non. À l’époque, j’étais absent des courts pendant moins de six mois, de la demi-finale de Wimbledon 2016 jusqu’à la performance de Perth’s Hopman Cup en janvier 2017. Cette fois, mon absence a duré plus d’un an, de février 2020 à mars. 2021 ; tant pour un athlète en général, beaucoup pour un athlète de 40 ans avec 23 ans de professionnalisme derrière lui comme moi.

Le pire et le meilleur moment de votre sportive 2021.

Chronologiquement, ils coïncident presque : la défaite à Wimbledon contre Hurkacz et l’ovation que m’a faite le public alors que je quittais le terrain à la fin de ce match. Puis-je mentionner même le plus surréaliste ?

Je vous en prie.

Roland Garros : Koepfer qui entre sur mon terrain et crache sur la marque laissée par le ballon après avoir subi une pause. Incroyable. Et pas seulement en 2021.

Je suis d’accord. Meilleur match de l’année.

Celui contre Gasquet à Wimbledon. Mais je dois être honnête : si Richard n’existait pas, il faudrait que je l’invente. Il semble fait exprès pour me faire bien paraître. J’anticipe votre question et je vous dirai aussi le pire : celui contre Auger-Aliassime à Halle. Nous perdons en troisième contre un joueur très fort qui a presque 20 ans de moins que moi ; mais Halle après Wimbledon est le tournoi que j’aime le plus, et le perdre m’a fait mal ; de plus, cette défaite m’a empêché d’avoir quelques matchs de plus sur l’herbe dans mes jambes, ce qui aurait été très utile à Wimbledon. Péché.

Roger, cette année votre ville – Bâle – vous a dédié un tramway, le Federer-Express. Supposons qu’un autre tramway vous soit dédié et que le nom « désir » y soit mis, que voudriez-vous encore retirer de votre talent ?

La machine à remonter le temps pour pouvoir revenir au 14 juillet 2019 et jouer les deux balles de match contre Djokovic d’une manière différente. Plus sérieusement : la possibilité de pouvoir encore lancer un Hourra pour la victoire (s’il y en a deux encore mieux).

Où voudriez-vous le faire ?

Croyez-moi, peu importe où. Evidemment j’aimerais bien le faire à Wimbledon, mais l’idée de pouvoir soulever un trophée, entendre les applaudissements du public, voir les flashs des photographes, est en soi inestimable, qui va au-delà du où et du comment. Maintenant que j’y pense, je dois dire que même à Turin, ce ne serait pas mal.

Depuis que vous avez évoqué Novak, je m’inspire d’une dernière question : qui avez-vous encouragé lors de la finale du dernier US Open ?

Encore une goutte de cognac ?

Repetita iuvant : c’est une œuvre de pure imagination. Nous n’avons pas mangé de raclette et bu du brandy valaisan avec Federer.

En ce moment.

Nihel Béranger

« Accro au café. Fanatique de l'alcool depuis toujours. Expert du voyage typique. Enclin à des accès d'apathie. Pionnier de l'Internet.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *