Les données piratées peuvent être utilisées devant les tribunaux. Mais cela soulève des questions juridiques.
Un État européen peut-il agir comme un hacker, installer un logiciel espion sur les téléphones portables de 30 000 utilisateurs et transmettre ensuite les chats détournés aux pays membres comme preuve ? L’accusé peut-il être condamné en Allemagne sur cette base ? Non seulement les tribunaux allemands sont actuellement saisis de cette question, mais également la Cour européenne de justice de Luxembourg (CJCE) et la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg (CEDH). Pour l’anticiper. Jusqu’à présent, les tribunaux allemands peuvent utiliser les preuves des chats piratés et condamner les accusés. Mais ce n’est en aucun cas le dernier mot.
Il s’agit du démantèlement du réseau criminel Encrochat il y a trois ans. Les enquêteurs français avaient piraté le système de communication de l’entreprise, qui annonçait que ses téléphones portables ne pouvaient être ni mis sur écoute ni localisés, et que les messages cryptés ne pouvaient pas être déchiffrés. Les vendeurs d’Encrochat sont restés anonymes, le paiement s’est effectué en espèces et la remise a eu lieu dans des lieux publics. Après cette révélation, des milliers d’enquêtes ont été lancées aux Pays-Bas, en Espagne, en Allemagne et en Italie. Selon Europol, plus de 6 500 personnes ont été arrêtées et près de 900 millions d’euros confisqués. Pour les procureurs, cela a été et reste un énorme succès contre les grossistes en drogue.
Les annexes portent également sur les homicides, le trafic d’armes et le blanchiment d’argent. Mais la fin ne justifie pas les moyens, et les procédures pénales doivent être menées dans le respect de l’État de droit. La Cour fédérale de justice (BGH) a décidé il y a un an que les preuves des enquêteurs français pouvaient être utilisées dans les procédures pénales allemandes. Mardi, la Cour constitutionnelle fédérale a déclaré irrecevables huit recours constitutionnels contre l’utilisation de preuves pour vices de forme. La jurisprudence du BGH reste donc pour l’instant en vigueur. Mais cinq autres recours constitutionnels sont pendants à Karlsruhe et n’ont pas encore été tranchés. La sortie est donc toujours ouverte.
En substance, deux questions se posent : la transmission des 12 millions de données depuis la France à l’Office fédéral de la police criminelle (BKA) était-elle autorisée, est-ce couvert par le droit européen ? Le BGH l’a affirmé il y a un an. L’avocat hambourgeois Strate affirme en revanche que le BGH aurait dû soumettre des questions sur la recevabilité de l’attaque de pirate informatique et sur l’utilisabilité des données à la CJCE de Luxembourg, ce qu’il n’a pas fait. Le recours constitutionnel de Strate est l’un des cinq recours sur lesquels la Cour constitutionnelle fédérale ne s’est pas encore prononcée.
La deuxième question est de savoir si les tribunaux allemands étaient ensuite autorisés à utiliser les données transmises par la France comme preuve dans une procédure pénale. Dans tous les cas, les tribunaux allemands doivent examiner s’il existe une interdiction d’utiliser des preuves en vertu du droit allemand. Les raisons peuvent être qu’il s’agissait d’une « surveillance de masse déraisonnable ». Ou que la zone centrale privée des suspects a été espionnée.
Le BGH a jusqu’à présent nié cette information. Le domaine intime de la vie n’est pas affecté et l’utilisation des données est proportionnée à la gravité du délit. Cette position du BGH est également toujours en attente d’examen auprès de la Cour constitutionnelle fédérale. Indépendamment de cela, une chambre pénale du tribunal de district de Berlin a maintenant fait appel devant la CJCE. Il est censé vérifier si la transmission des données françaises était couverte par le droit européen.
La Cour des Droits de l’Homme de Strasbourg se saisit à son tour des agissements des enquêteurs français. La Cour EDH a soumis de nombreuses questions aux autorités françaises, qui ont apparemment reçu une réponse début 2023 mais n’ont pas encore été publiées. Les avocats qui connaissent bien les réponses voient qu’il est confirmé que la France n’espionnait pas principalement les utilisateurs d’Eurochat dans l’intérêt du pays, mais dans celui des États membres européens. Les enquêteurs allemands auraient profité de la procédure car à l’époque, la base juridique dans ce pays manquait encore. La décision de la Cour EDH est toujours en attente.
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