‘Retour à Reims’, à la Mostra de SP, raconte la France par les ouvriers – 31/10/2021 – Illustré

Le nom, « Retour à Reims (Fragments) », suggère d’abord un voyage sentimental dans la ville, voire dans un lieu de cette ville, que l’on voit au tout début. Cette première impression est renforcée par le narrateur, qui y rencontre sa mère, dont elle est séparée, et qui lui demande de tout lui raconter sur sa vie.

C’est alors que tout change dans le film. Et ce que nous avons, c’est à proprement parler une histoire de la classe ouvrière française dans les années 30, qui coïncide avec la naissance de leur grand-mère, c’est-à-dire la mère du narrateur.

L’histoire se poursuivra jusqu’à nos jours, plus ou moins, et aura des moments plus ou moins heureux. Mais la grand-mère appartient à la classe ouvrière et est une mère célibataire. Tout ce à quoi vous pouvez aspirer, c’est d’éduquer correctement votre fille.

Cette histoire nous vient à travers la voix du narrateur, mais à travers des fragments de films de cinéma français — d’où le sous-titre original. Il y a des films de fiction et des documentaires, des films de propagande, des scènes de télévision, tout, en somme.

Le collage peut être arbitraire, il implique des choix, on peut même parler de distorsions et cetera. Mais Jean-Gabriel Périot semble avoir un choix clair – non seulement pour montrer que, même dans un pays développé, la vie des pauvres – des travailleurs, presque toujours – est injuste, mais aussi pour découvrir comment la gauche s’est retrouvée dans un trou rempli d’un manque de perspectives.

Ou, plus encore, comment cette classe ouvrière, autrefois fidèle au Parti communiste ou même aux socialistes, a fini par trouver à l’extrême droite une sorte d’abri où, au moins, elle sent que son identité et ses traditions sont respectées.

L’analyse présentée concerne un pays avec toutes ses spécificités, y compris le fait qu’il a un passé colonial et, par conséquent, abrite un important contingent de travailleurs immigrés, qui concurrencent les locaux. Des lieux que le film affirme d’ailleurs assez racistes – une scène d’un film de fiction sert de preuve.

Pourtant, « Retour à Reims (Fragments) » peut servir à quiconque veut, par analogie, comprendre la dérive de la classe ouvrière brésilienne. Pourquoi peut-elle, par exemple, être à gauche à un moment et des années plus tard mettre ses espoirs à l’extrême droite ?

Qui n’a jamais rencontré des gens de gauche abasourdis par le fait que les pauvres votent pour ceux qui seraient, en principe, leurs ennemis de classe ?

Dans l’histoire de France, racontée tout au long du film, il y a une énorme déception avec le gouvernement de gauche (le gouvernement Mitterrand), pendant lequel rien n’aurait changé, c’est-à-dire que le prolétariat a continué à souffrir autant qu’avant. Du coup, nombreux sont ceux qui en sont venus à voir dans le Front national un espoir de reconnaissance de leurs valeurs et traditions. C’est ce que proposent essentiellement les dirigeants d’extrême droite.

L’histoire de France, vue dans le film, trouve son dernier chapitre dans la révolte des « gilets jaunes », les fameux « gilets jaunes ». En d’autres termes, nous sommes arrivés à une situation où un groupe très important de personnes ne croit plus à gauche ou à droite, mais peut voter pour l’un ou l’autre aux prochaines élections.

Même en considérant les différences — la grande souffrance de la vie professionnelle dans un pays développé et la misère pure et simple qui règne dans une grande partie d’un pays comme le Brésil — est incomparable, « Retour à Reims (Fragments) » propose, tant pour sa narration et surtout pour ses images, un survol plus qu’intéressant de la saga presque centenaire du prolétariat français et un matériau provocateur pour qui veut commencer à comprendre les gens (pauvres, très pauvres, remédiés, surtout) , leurs envies et leurs besoins.

Nihel Béranger

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