- Selon les conclusions de la commission, entre 1950-2020, env. 216 mille personnes ont été victimes de violences sexuelles de la part de prêtres, religieux et religieuses
- La Commission a constaté qu’au cours de la période en question, l’Église française avait opéré de 2 000 900 à 3 000 200 agresseurs sexuels, sur un total de 115 000 prêtres, religieux et religieuses, ce qui donne un pourcentage de 2,5 à 2,8 %.
- Les victimes étaient à 80 pour cent. garçons, ce qui fait de la pédophilie à l’église un phénomène particulier dans le contexte de l’ensemble de la société, où 75 pour cent. les victimes sont des filles
- La Commission a présenté 45 recommandations, certaines se réfèrent au passé (c’est un moyen de réparer les torts), et certaines sont orientées vers l’avenir
- Vous pouvez trouver plus d’histoires de ce type sur la page d’accueil d’Onet
– Monsieur le Président, est-il vraiment possible d’accepter un malheur ? Quoi dire? Peut-être seulement que, surtout, nous éprouvons un regret infini, une honte charnelle et une indignation absolue ? – a dit Sr Véronique Margron dans les premiers mots de son intervention.
Cette « acceptation du malheur » douteuse concerne le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, présidée par Jean-Marc Sauvé, rapport annoncé ce matin et présenté symboliquement à la direction des deux institutions qui l’ont commanditée en 2018. Ces institutions étaient la Conférence épiscopale française et la Conférence française des religieux, dirigée par Sr Margron, une sœur dominicaine.
Le reste du texte sous la vidéo.
L’annonce du reportage a été diffusée en direct par la télévision catholique KTO, suivie par d’autres médias, et a pris la forme d’une conférence de presse. Selon les normes de l’église polonaise, cette conférence devrait être qualifiée de manifestation de masochisme, car les évêques et les supérieurs religieux (ordres masculins et féminins) ont fait face à des critiques extrêmement sévères. Avant l’intervention de Jean-Marc Sauvé, le ton a été donné par François Devaux, fondateur de la fondation « Parole liberée », qui regroupe les victimes de violences sexuelles vécues dans l’Église. – Vous devrez payer pour tous ces crimes ! – dit Devaux, ou plutôt cria, accentuant chaque mot et s’adressant aux représentants de l’autorité ecclésiastique présents dans la salle, parmi lesquels se trouvait également le Nonce Apostolique en France. Il y avait tout le regret et toute la colère imaginables pour les victimes de ce type de crime.
Le président de la commission, quant à lui, est un homme calme et distingué. Mais lui, même s’il a gardé toutes les formes de politesse, a présenté un tableau déprimant des abus sexuels dans l’Église catholique en France dans les années 1950-2020. Il s’agit d’abus à l’encontre de mineurs ou d’adultes dits vulnérables (ex : séminaristes sous l’autorité de l’évêque qui les moleste). Les premiers commentaires parlent déjà de l’effet bombe, bien que le comité ne découvre pas de phénomènes jusque-là inconnus. Cependant, ce qui donne l’effet de bombe, c’est l’accumulation de chiffres sur l’ensemble des 70 années analysées.
Selon les conclusions de la commission, environ 216 000 personnes ont été victimes de violences sexuelles de la part de prêtres, religieux et religieuses. À son tour, si l’on prend également en compte les laïcs travaillant pour l’Église (catéchistes, militants d’associations ecclésiales, etc.), ce nombre passera à env. 330 mille. C’est 4 pour cent. crimes de ce genre dans toute la société. 50 pour cent de ces crimes se produisent dans la famille et dans les cercles favorables à la famille. Mais dans l’Église ils sont deux fois plus nombreux que dans les autres secteurs de la vie publique : dans les écoles, dans les institutions de loisirs collectifs pour enfants et jeunes, dans les sports…
La Commission a constaté qu’au cours de la période en question, l’Église française avait opéré de 2 000 900 à 3 000 200 agresseurs sexuels, sur un total de 115 000 prêtres, religieux et religieuses, ce qui donne un pourcentage de 2,5 à 2,8 %. Un peu moins qu’en Allemagne, USA, Irlande, Australie. Les victimes étaient à 80 pour cent. garçons, ce qui fait de la pédophilie à l’église un phénomène particulier dans le contexte de l’ensemble de la société, où 75 pour cent. les victimes sont des filles. L’évolution de ces crimes dans le temps est telle que 56 %. d’entre eux ont été commis dans les années 1950-1970, 22 pour cent. dans les années 1970-1990, et un autre 22 pour cent. dans les années 1991-2020. Par rapport à tous les crimes de ce type dans l’ensemble de la société, il s’élevait respectivement à : 8 ; 2,5 et 2 % La courbe a donc fortement baissé à partir des années 1970 et reste quasiment au même niveau à ce jour.
Enquête de l’église pour 3 millions d’euros. 45 avis
Selon la Commission, la stratégie de l’Église face à ce phénomène a été variable : de 1950 jusqu’au début des années 2000, elle s’est caractérisée par une totale indifférence à l’égard des victimes. Ensuite, des éléments de la défense de l’institution ont prévalu et, enfin, à partir de 2015/2016, il s’agit d’une stratégie de lutte rigoureuse contre les délinquants sexuels. Certes, la stratégie a changé pour le mieux, sinon cette Commission n’aurait pas été mise en place, à l’initiative de l’Église et pour l’argent de l’Église (la Commission a reçu 3 millions d’euros pour l’enquête). Il y a certainement eu une certaine amélioration. Et pourtant le phénomène n’est pas éliminé, loin de là.
Pour que cela se produise, des changements dans l’Église sont nécessaires. La Commission a présenté 45 recommandations, certaines d’entre elles se réfèrent au passé (c’est un moyen de réparer les torts), et d’autres sont tournées vers l’avenir. Le droit canon doit être réformé (au-delà de ce qui a déjà été annoncé dans l’Église à cet égard). L’inclusion du processus canonique doit s’écarter du schéma féodal du pouvoir absolu de l’évêque et se transformer de manière à garantir un jugement juste. La commission propose de s’écarter du secret absolu de l’aveu en obligeant le confesseur à soumettre une déclaration de délit présumé. Selon la Commission, la gouvernance de l’Église doit également changer, ce qui doit être réalisé en incluant les laïcs dans les décisions qui ne concernent pas la célébration des sacrements. Il doit également y avoir un changement dans l’enseignement de l’église, qui a jusqu’à présent mis le viol d’enfants au même niveau que les relations sexuelles en dehors du mariage.
L’anticléricalisme n’est pas forcément synonyme de parti pris anti-Église
Reste à voir si ces recommandations seront adoptées ou non. Il est à noter cependant que c’est l’autorité ecclésiastique qui a demandé à la Commission, composée de laïcs et pas seulement de catholiques, de formuler ces recommandations.
En regardant cet événement du point de vue polonais, deux choses sont frappantes. Premièrement : le processus de facturation se déroule sans anesthésie. La seconde : le phénomène regrettable des crimes sexuels dans l’Église est présenté contre, non isolément, des autres Églises locales et de la société française. Cette dernière est particulièrement intéressante, compte tenu du caractère anticlérical de l’État français, issu de la Révolution de 1789 et perpétué sous la forme de la Ve République (à partir de 1958). Cela signifierait que l’anticléricalisme ne signifie pas nécessairement la véhémence anti-église.
ça doit faire mal
Certes, le consentement de l’autorité ecclésiastique à régler ses comptes sans anesthésie ne lui convient pas : cela doit faire mal. Mais, comme Sœur Margron l’a mentionné plus haut, se référant au célèbre livre d’Hanna Arendt sur le procès Eichmann : quiconque banalise le mal ou le nie, en fait le multiplie.
C’est triste, mais avec un peu de courage, ça peut être une leçon.
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