Cinq candidats de la droite française à la présidentielle d’avril prochain débattaient lundi sur le plateau de la chaîne de télévision LCI. Mais le vrai protagoniste était absent.
Le spectre de l’ultra Éric Zemmour – le polémiste sans parti ni expérience électorale qui s’est hissé par surprise en deuxième position dans les sondages – a survolé les discussions entre les politiques expérimentés en lice pour l’investiture de Los Republicanos (LR), le parti de l’ancien président Nicolas Sarkozy et héritier de Jacques Chirac. Le nom de Zemmour, même s’il est à peine sorti dans les deux heures et demie de débat, a conditionné une bonne partie des discours.
Lorsque les modérateurs ont demandé aux candidats s’ils souscrivaient à la théorie du complot de la grande substitution, que Zemmour promeut et selon laquelle la population d’origine européenne serait remplacée en Europe par une population africaine et arabe, la majorité a répudié l’expression. Mais pas le diagnostic de base : ils ont promis qu’avec eux à l’Elysée, le remplacement de la population n’aura pas lieu.
« Je n’utiliserais pas ce mot : ce qui est important, c’est la réalité », a répondu Michel Barnier, ancien négociateur du Brexit au nom de l’Union européenne et candidat de l’aile modérée. « Parfois, dit-il, les Français ont le sentiment de ne pas être chez eux. « Je déteste cette expression car elle donne l’impression que tout est foutu », a déclaré une autre modérée, Valérie Pécresse, présidente de la région parisienne. « Mais je crois que l’immigration incontrôlée et l’échec de l’intégration disloquent une nation. » « Ça n’arrivera pas parce qu’on va gagner la présidentielle et mettre fin au laxisme de l’immigration », a assuré Xavier Bertrand, également attaché à la filière pragmatique et président des Hautes de France, de la région nord de Lille et de Calais.
Plusieurs candidats ont assuré que, dès leur arrivée au pouvoir, ils organiseraient un référendum sur l’immigration. Et ils anticipaient qu’ils limiteraient le droit des femmes musulmanes de porter le voile en France.
Ce ne sont pas des idées exclusives de Zemmour, un candidat condamné pour incitation à la discrimination raciale et religieuse qui déborde de la droite à l’extrême droite historique de Marine Le Pen et pourtant attire les électeurs de la droite traditionnelle de LR. Mais avec Zemmour en campagne – bien qu’il n’ait pas officialisé sa candidature – ces idées se sont installées au centre des débats.
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Il y a cinq candidats LR, parmi lesquels se distinguent Barnier, Bertrand et Pécresse. Barnier s’impose comme le favori des militants, qui sont ceux qui éliront le candidat lors d’un vote – les primaires dites internes – et d’un congrès entre le 1er et le 4 décembre. Mais Bertrand, plus connu en France et avec une plus discours filmé, a obtenu de meilleurs résultats dans les sondages face aux candidats des autres partis.
Non pas que les résultats de Bertrand soient brillants. Un récent sondage de l’institut Ifop lui donne 13 % des voix. Ce serait le quatrième. Derrière Le Pen, qui obtient 16%. Et de Zemmour, avec 17%. Et l’actuel président, le centriste Emmanuel Macron, avec 25 %. Macron est clairement le grand favori pour être réélu au second tour, peu importe qui il affronte.
Le problème avec LR, c’est que, même avec son candidat le plus populaire, il lui serait difficile d’accéder au second tour, auquel sont classés les deux candidats les plus votés. Un autre problème est l’inconstance de Bertrand : après la victoire de Macron en 2017, il a quitté LR, plus tard il a dit qu’il était en compétition seul sans rivaliser avec d’autres politiciens de son ancien parti, et finalement il a été contraint de retourner dans l’armée pour participer aux primaires internes. Un troisième problème est le flou idéologique d’un parti pris au piège entre Macron, qui avec des politiques de centre-droit a capturé de nombreux modérés LR, et Zemmour, qui attire les secteurs les plus traditionalistes et réactionnaires de LR. Ajoutez à l’équation Le Pen, engagé dans une lutte acharnée avec Zemmour pour le leadership de l’extrême droite.
« La France qui élit Bertrand est la France de droite la plus classique, mais Bertrand ne peut pas aller plus loin », analyse Frédéric Dabi, directeur général de l’opinion à l’Ifop. « La France de Le Pen, c’est l’électorat jeune, sans diplôme et issu des catégories populaires », poursuit-il. Et il ajoute : « Zemmour capte la droite traditionnelle, un électorat plus large, qui croit au déclin de la France et au grand remplacement, et se méfie à la fois de Le Pen et de Bertrand, mais capte aussi une droite plus populaire. C’est pourquoi je crois qu’il ne coulera pas : c’est entre les deux [Le Pen y LR], c’est un vote-script ».
Les « vote-script « Dabi parle, c’est du vote qui rattache, comme un script, la droite traditionnelle au Regroupement national (RN) de Le Pen. La synthèse, par les faits plutôt que par les décisions des parties, brise le cordon sanitaire qui a isolé pendant des années Le Pen. L’effort de Bertrand, Barnier et Pécresse consiste à préserver ce cordon sanitaire et à contenir la fuite des voix vers Zemmour.
Les sondages, six mois avant les élections, détectent un changement fondamental en France. Ensemble, les candidats d’extrême droite – Zemmour et Le Pen – dépassent les 30 % des voix, soit un tiers de l’électorat. Aucune autre option idéologique ne peut afficher ces chiffres dans la France de 2021.
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